Sophie Cadieux entre vie et mort
Crédit photo : David B. Ricard
« C’est une expérience très intense à vivre. 4.48 Psychose est un récit sur la mort. Mais c’est aussi une remise en question de notre société et de la façon dont nous en reproduisons les normes et les censures », annonce le metteur en scène Florent Siaud en réponse aux questions de MatTv.ca.
Sophie Cadieux interprétera les vives émotions du personnage de 4.48 Psychose, qui relate avec conviction sa détresse aux moments ultimes de son existence. Ce texte invite le spectateur à une odyssée iconoclaste dont on ne peut sortir indemne.
La lucidité du personnage accule à l’insupportable, le texte à la cohérence irréprochable renvoie à la limite du sens des mots. Le personnage anonyme qu’incarne la talentueuse comédienne ne s’enfonce pas dans la folie, il dérange le spectateur par son récit.
L’auteure du texte, la Britannique Sarah Kane, a déclaré que « la pièce parle d’une dépression psychotique. Et de ce qui arrive à l’esprit d’une personne quand disparaissent complètement les barrières distinguant la réalité des diverses formes de l’imagination. »
« En outre, vous ne savez plus – ce qui est intéressant dans la psychose – vous ne savez plus où vous vous arrêtez et où commence le monde. Tout ferait partie d’un continuum. Formellement, je tente également de faire s’effondrer quelques frontières – pour continuer à faire en sorte que la forme et le contenu ne fassent qu’un », a poursuivi l’auteure devant un groupe d’étudiants en novembre 1998.
Cette femme incarnée par Sophie Cadieux, personnage dont on ignore le nom, demeure insoumise, malgré les médicaments prescrits par ses médecins et refusant de se conformer aux normes sociales dominantes. La comédienne expose la vie intérieure de cette marginalisée brûlante de désir et dépendante amoureuse.
On peut se demander si l’auteure du texte, traduit par Guillaume Corbeil, a écrit de façon prémonitoire, car elle s’est suicidée en 1999, quelques mois après l’écriture de la pièce. « Plusieurs malentendus planent sur l’œuvre de Kane », nous prévient Florent Siaud.
« Parce qu’elle a écrit un théâtre violent, on a parlé de provocation trash. Parce que 4.48 Psychose est son dernier texte, on y a vu un testament relié à son suicide. Or ces clichés cachent l’essentiel : cette pièce est un fabuleux geyser d’images, une prise de parole sensuelle et une réflexion pénétrante sur le sens de l’existence », ajoute l’homme de théâtre qui a mis en scène Quartett à La Chapelle et Illusions au Prospero.
Comment Sophie Cadieux relatera-t-elle ce monologue dont on anticipe la conclusion? « Notre travail explore l’idée que c’est plus qu’un texte morbide sur la mort, c’est une pièce incandescente pour les vivants. Nous avons opté pour un jeu fluide et tout en rupture ainsi qu’une scénographie organique et chaude, pour faire entendre la volupté de cette écriture hallucinée, oscillant entre le désespoir, les appels mystiques et les pulsions de désir », selon Florent Siaud.
La comédienne et le metteur en scène discutent de ce texte depuis quelques années. « La puissance, la fureur et le mystère qui s’en dégagent font qu’il est impossible d’y travailler huit heures par jour sur une période courte », croit-il.
Le metteur en scène dévoile comment Sophie et lui ont conçu le spectacle : « Nous avons opté pour un processus sur la durée en multipliant les étapes de création, afin de prendre du recul et laisser mûrir nos partis pris. Nous avons alterné le travail solitaire et les résidences de collaboration. »
Au théâtre de La Chapelle du 27 janvier au 6 février.
Crédit photo : David B. Ricard