Analyser brillamment sa génération
©Véronyc Vachon/ MatTV
Par : Marie-Claude Lessard
Un public fébrile et conquis d’avance a envahi l’intime Cinquième Salle de la Place des Arts pour assister à la quinzième représentation d’Ingénu, deuxième spectacle solo d’Adib Alkhalidey. Même avec une promotion discrète (l’humoriste ne fait pratiquement peu de publicité pour cette tournée sur les réseaux sociaux, favorisant le bouche à oreille), la salle affichait complet. Juste Pour Rire a donc visé juste en programmant cet acte, car il a permis à plus d’une centaine de spectateurs de rire à gorge déployée pendant une exaltante heure et demi!
Pour faire suite au spectacle Je t’aime, l’humoriste a proposé un deuxième tour de piste dénué de décor extravagant. Un rideau, de petites lumières bleues, un micro et deux bouteilles d’eau suffisaient. De son propre aveu, cette économie budgétaire lui a permis de se payer pas un mais bien deux premières parties fort divertissantes! Le public a chaleureusement exprimé sa satisfaction envers Jay Du Temple et Roman Frayssinet, qui sont venus livrer deux solides numéros présentés la semaine dernière lors du Gala Des Refusés (lire notre critique ici).
Par la suite, Alkhalidey s’est rapidement accaparé la scène pour accomplir ce qu’il fait de mieux : décortiquer sans complaisance sa génération. Affichant un air taquin irrésistible, il a enchaîné les observations justes sur des sujets auxquels tous peuvent s’identifier : l’amour, les réseaux sociaux, les préjugés, la famille et la religion. Son énergie contagieuse et délicieusement incontrôlable n’a d’égal la fascinante verve poétique qui se dégage de ses textes. Articulé, confiant et authentique, Adib s’est adressé au public de la même manière qu’il le ferait en compagnie de bons vieux copains autour de pichets de bière. Derrière la naîveté que sous-entend le titre du spectacle se cache une enivrante transparence. Mercredi soir dernier, Adib a osé, il n’a pas quémandé le pardon après une blague plus salée. Évoluant dans une mise en scène dynamique et entraînante, il a dévoilé d’habiles talents de comédiens. À travers d’inoffensives mimiques rigolotes servant à appuyer physiquement un gag, l’artiste a maîtrisé l’art de placer une onomatopée ou un sacre au bon endroit pour susciter un effet comique saisissant.
Évidemment, certains numéros étaient plus réussis que d’autres. Alors qu’on ne peut que saluer l’initiative (et non l’audace, car cela ne devrait pas être considéré comme un geste de bravoure) de traiter, sans avoir recours aux clichés d’usage, de la ténacité exemplaire des transgenres, le segment sur le TDAH manquait de cohérence. L’humoriste a exprimé ce qu’est le déficit de l’attention en passant du coq à l’âne sans fil conducteur. Certes, on a compris rapidement que le but de ce numéro était d’illustrer ce que ressentent au quotidien les gens aux prises avec ce trouble mais, sur scène, quelques explications seraient de mise pour pouvoir entrer à pied joint dans le numéro sans se creuser profondément la tête au lieu de rire des blagues. En revanche, une périlleuse mais quelque peu abrupte personnification moderne de Dieu a terminé la soirée.
Cet ingénu qui réserve d’intelligents tours dans son sac sera de retour à Montréal en octobre. Espérons que d’autres dates de tournée s’ajouteront prochainement.
Crédit photo : ©Véronyc Vachon / MatTV
Texte révisé par : Louise Bonneau