Martha Wainwright, Groenland et Joe Grass envoûtent le Rialto
Crédit photo : Vivien Gaumand
Par : Mélissa Thibodeau
Avec un musicien peu bavard mais explosif de talents, un sextor indie pop enjoué et entraînant, une auteure-compositrice-interprète imprévisible et incroyable, Montréal était tellement belle mercredi soir alors qu’on lançait M pour Montréal dans un Théâtre Rialto comble. Retour sur une soirée inoubliable où se succédaient Joe Grass, Groenland et Martha Wainwright : trois mondes musicaux distincts, mais qui se complémentaient merveilleusement.
Joe Grass
Crédit photo : ©Vivien Gaumand
Ce musicien originaire de Montréal, mais résidant à Montréal depuis plus d’une dizaine d’années est toujours quelque chose à voir sur scène. Multi-instrumentiste, il a manié toutes de sortes de guitares de toutes sortes de façon mercredi soir.
Joe Grass est une force tranquille sur scène. Son attitude est humble mais son talent incommensurable. Ce dernier était entouré d’un batteur (Andrew Barr) et d’un saxophoniste (Jason Sharp) qui l’accompagnait admirablement dans ses envolées. On plane dans différents genres musicaux aisément du folk au country à un jeu de guitare parfois hard rock, parfois prog, parfois grungy.
Joe Grass a sorti son plus récent album The Rest Will Disappear sur Second Best Records en septembre dernier. Décidément un opus qui vaut le détour et l’écoute.
Groenland
Changement de genre, mais tout aussi palpitant, le sextuor montréalais Groenland a dynamisé la scène avec un indie pop des plus entraînants. On leur avait demandé de parler en anglais afin de pouvoir joindre le plus grand nombre de spectateurs qui comprenaient de nombreux délégués de l’industrie provenant de 19 pays. « …but we’ve also been told to never speak English in our shows, so we’re fucked » de rajouter Sabrina Halde, chanteuse du groupe, en faisant référence à la réaction d’un ancien politicien québécois qui avait fait les manchettes à la suite d’un de leurs spectacles en 2015.
Malgré le fait que le groupe ait sorti en septembre dernier son second album A Wider Space (Bonsound Records), il a quand même joué plusieurs de son premier opus The Chase paru en 2013. C’est sûrement une façon pour lui de démontrer une plus grande étendue de ce qu’il a à offrir aux délégués présents.
Le groupe est entré sur scène avec une énergie contagieuse qu’il a réussi à conserver jusqu’à la fin. Je danse dans mon siège. Je regarde autour de moi, je ne suis pas la seule. J’entonne des airs avec lui, même ceux que je ne connaissais pas. Et de plus, j’ai osé taper des mains au rythme de la musique, au diable mes désirs d’objectivité.
Je suis en admiration de la maîtrise vocale et le timbre unique de la chanteuse qui réussit à garder le ton malgré les sautilles et les changements de registres. Accouplons cela à une performance impeccable de la part des musiciens qui donnent une belle part aux instruments à corde, Groenland avait de quoi épater la galerie. Nous n’avons pas fini d’entendre parler de ce groupe.
Martha Wainwright
La sublime Martha Wainwright profitait de cette vitrine pour lancer son plus récent opus Goodnight City, son quatrième long-jeu en carrière. Elle est arrivée sur scène sous les acclamations de la foule.
Elle a entamé le tout avec Around the Bend, le premier extrait du disque. Parfaitement à son aise, d’un naturel désarmant, sa prestation faisait fi des règles des vitrines musicales qui demandent un enchaînement rapide des spectacles et qui ne laissent pas trop de temps d’interactions avec le public. Elle jase parfois en français, parfois en anglais, parfois les deux en même temps. Martha prend le temps de vivre le moment présent, et tout le monde en est gagnant.
Elle enchaîne avec Traveller, une chanson touchante écrite pour rendre hommage au frère de Thomas Bartlett (son pianiste, claviériste et coréalisateur), un ami à elle décédé du cancer à 40 ans, « le premier de ma génération d’amis à mourir de cette unfair disease ». Elle en profite ensuite pour donner le crédit aux auteurs qui ont contribué à 50 % des chansons de Goodnight City, dont sa cousine Lily Lanken (aussi présente comme choriste) et sa tante Anna McGarrigle.
Sa voix peut à la fois briser des coeurs et les réanimer. J’ai été émue de la voir interpréter Francis, une chanson écrite par son frère Rufus Wainwright en l’honneur du fils aîné de la principale intéressée. J’étais également époustouflée par son interprétation de Ayoye d’Offenbach, qu’elle avait d’ailleurs dédiée à Safia Nolin. Le choix d’interpréter une chanson en français devant une foule majoritairement anglophone était intéressant, mais tant qu’à faire à sa tête, aussi bien le faire.
Même les moments « imparfaits » ne choquaient pas, dont un faux départ de la chanson Piano Music. On se reprend et on continue, ça fait partie de la vie. Martha, avec son authenticité, son côté imprévisible et son intensité, est à sa place sur la scène. Elle a offert deux rappels, terminant le tout avec son premier « hit » Bloody Motherfucker Asshole qu’elle a dédié à l’homme orange américain.
Inoubliable. Rien de moins.
M pour Montréal se poursuit jusqu’à demain. Pour la programmation www.mpourmontreal.com.
Texte révisé par : Annie Simard