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L’expo Wim Delvoye? De l’art « twisté » !

Tracto-cathédrale et Maserati-mosquée

Photo: Richard-Max Tremblay
W.Delvoye, Maserati. Photo: Richard-Max Tremblay

Nul besoin de lire le (beau) dépliant distribué à l’entrée du DHC/ART Fondation pour comprendre très rapidement à quoi carbure le sieur Wim Delvoye : la torsion, c’est son truc! Wim aime tordre. Attention, pas de malentendu, c’est d’art contemporain dont je vous parle ! Il aime tordre les règles de la bienséance (rappelez-vous de Cloaca N° 5, sa machine à produire de la matière fécale en 2009), les images iconiques, les reflets, les matières et le cou aux idées reçues.

Photo : Richard-Max Tremblay
Wim Delvoye, pneus imbriqués, « Dunlop Geomax ». Photo : Richard-Max Tremblay

Quelles idées reçues? Celles qui, arbitrairement, ont posé une frontière entre l’Art avec un grand A, l’artisanat et les arts décoratifs tout en positionnant chacune de ces disciplines sur une échelle de valeur. Delvoye, en un tour de main virtuel, s’empare des trois et tourne, tourne jusqu’à ce qu’un objet-usuel-oeuvre-d’art émerge de cette fusion. Lui, parle d’ « émulsion ». Résultat ? Une série de pneus ajourés, à même le caoutchouc, de motifs floraux et autres torsades, des valises de la luxueuse marque Rimowa parées au millimètre près de figures végétales et volutes directement écloses de l’aluminium embossé, des véhicules utilitaires représentants de la plus triviale réalité (tractopelle et camion) tout en charpentes-dentelles de cathédrales gothiques.

Photo : galerie Perrotin via theredlist.com
W. Delvoye, « Twisted Dump Truck Clockwise ». Photo : galerie Perrotin via theredlist.com

Car le sacré, le mystique, le mythique est une matière à tresser sur les éléments les plus communs de la vie quotidienne ou sur les fleurons de la société de consommation. Est-ce l’objet de luxe devenu objet de prière que l’on pointe avec ironie dans « Untitled », carrosserie de Maserati ciselée de motifs iraniens digne des Mille et Une Nuit? Est-ce à une sanctification de l’objet « vulgaire », message du potentiel artistique et donc sacré que porte en lui l’item le plus pragmatique, qu’on nous convie? À vous de juger : toutes les interprétations sont permises! Après tout, c’est là que réside la grande force de l’art contemporain !

Photo : Richard-Max Tremblay
W.Delvoye, peaux de cochons tatoués. Photo : Richard-Max Tremblay

Une chose est sûre, le divin et ses diverses représentations habitent l’œuvre de Delvoye. Que ce soit Ganesh tatoué sur le dos d’un cochon, des Vierges chromées comme les Spirit of Ectasy de Rolls Royce ou un Jésus étiré, dupliqué, déformé, élargi, arrondi en une déclinaison de crucifix fermés en boucles  ̶   sorte d’Ouroboros chrétien  ̶ , les symboles forts de nos sociétés trouvent un nouveau souffle dans la couenne d’un bestiau de ferme ou dans les élans du métal fondu.

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W.Delvoye, série « Rorschach ». Photo : Richard-Max Tremblay

Qui dit torsion, dit mouvement, notion qui semble être le fil conducteur de cette exposition : mouvements des porcs tatoués dans leurs enclos, mouvement des valises sur leurs roulettes, mouvement du nautile dans sa forme, mouvement intrinsèque à la nature des véhicules, mouvement enfin, jusque dans l’immobilité des statuettes inspirées du test de Rorschach, dédoublées à l’horizontale en reflets solides, distendus en spirales d’anges, de vierge et d’enfants entremêlés… Mouvement des pieds qui vous conduiront au DHC/ART Fondation jusqu’au 19 mars prochain !

Texte révisé par : Matthy Laroche