L’imagination triomphe de la logique
© Gunther Gamper
Par : Sébastien Bouthillier
Alexandre (Gabriel Szabo) échappe à la cruauté du monde par la porte de son imagination. Dans l’univers onirique qu’il crée, sa soeur Fanny l’accompagne. L’espiègle garçon tisse une réalité qui paraît aussi plausible que la nôtre, mais où il prête des intentions aux adultes. Il s’en moque pour alléger la réalité ou les taquine pour ouater le rêve. Peut-être qu’Alexandre confond rêve et réalité, qui sait?
Après le décès de son père, sa mère se remarie avec un austère pasteur (Renaud Lacelle-Bourdon) pour qui l’éducation inclut des châtiments physiques. Plus lucide que sa candeur ne laisse paraître, Alexandre constate les mensonges des adultes qui s’auréolent de vertu. Sa mère échappera à son époux et retrouvera ses enfants, en fuite de l’évêché.
Gabriel Szabo occupe la scène pratiquement toute la pièce, capte l’attention par son rôle d’enfant qu’il maîtrise jusque dans les mimiques et les inflexions de voix. Il est attendrissant, il nous fait du bien avec Rosalie Daoust en Fanny, sa soeur. Renaud Lacelle-Bourdon incarne le détestable et redoutable Edvard, le pasteur luthérien à l’esprit rigidifié par le dogme qu’il préconise sans le contextualiser, incapable qu’il semble de prendre du recul pour le mettre en question.
Dans cette pièce adaptée du film éponyme d’Ingmar Bergman, sorti en 1982, l’imagination d’Alexandre triomphe de la logique d’Edvard. Le Suédois nous invite à côtoyer les fantômes de son enfance, il révèle ses propres rêves dans la pièce. Sa mère exerçait du chantage émotif envers ses enfants et son père était pasteur. Intemporel, le rêve ne saurait vieillir, surtout dans l’imagination foisonnante d’Alexandre qui nous transporte aisément dans son monde.
La mise en scène de Sophie Cadieux et Félix-Antoine Boutin ouvre un espace intangible débordant de possibilités. Le rideau d’arrière-scène se soulèvera pour dégager une aire de jeu supplémentaire à Alexandre. Pour Félix-Antoine, l’oeuvre de Bergman est théâtrale. Il affirme qu’au théâtre, contrairement au cinéma, « il faut réarranger l’ordre des scènes pour qu’il y ait un souffle théâtral». « Fanny et Alexandre est un film sur le théâtre et nous racontons au théâtre un film», enchaîne Sophie Cadieux. Si le film s’étale sur plus de 3 heures, la pièce dure 1 heure 50.
Fanny et Alexandre, au Théâtre Denise-Pelletier jusqu’au 23 février.
Texte révisé par : Marie-France Boisvert