Un opéra poétique et complexe
Par : Ariane Monzerolle
Le mardi soir 9 avril, j’ai eu la chance de m’immerger dans l’univers poétique et légèrement absurde de l’auteur renommé Éric-Emmanuel Schmitt avec l’opéra Enigma, composé par nul autre que Patrick Burgan et mis en scène par Paul-Émile Fourny. Première coproduction franco-québécoise de l’Opéra de Montréal et de l’Opéra-Théâtre de Metz Métropole, on espère que ce n’est qu’un début puisque ces deux heures ont été transcendantes.
Au cœur de l’opéra Enigma, on déconstruit l’amour. Deux hommes amoureux de la même femme, mais qui a vécu le vrai amour? Est-ce celui avec qui elle a vécu quotidiennement pendant douze ans ou celui qu’elle a côtoyé avec passion peut-être trois mois et a ensuite gardé une correspondance riche durant 15 ans, mais sans jamais le revoir? Qu’est-ce qui régit l’amour, la passion ou la stabilité? Qu’est-ce qu’on fait par amour? Ce sont toutes des questions qu’on se pose durant cette pièce émouvante et frustrante, mais auxquelles nous n’aurons pas de réponses.
Mais partons par le début. L’opéra s’ouvre sur la rencontre entre Abel Znorko, un auteur renommé et récipiendaire d’un prix Nobel (Antoine Bélanger), mais avec un penchant pour l’alcool, désillusionné, un peu égocentrique et reclus sur une petite île, et Erik Larsen, un journaliste de province (Jean-Michel Richer), renard, droit et logique qui vient rencontrer l’auteur pour faire une entrevue sur son dernier livre. Les deux personnages se contredisent sur tout, on sent vraiment le dégout qu’ils ont l’un pour l’autre. Le livre expose un échange de correspondance amoureuses entre deux personnes fictives. Mais plus l’entrevue entre les deux personnages avance, plus on découvre que cette correspondance est bien réelle. C’est celle entre l’auteur et la femme qu’il a eu peur de perdre dans la monotonie du quotidien. L’auteur par peur de perdre leurs passions a préféré se reclure sur une île et continuer leur relation via cette correspondance, sans nécessairement penser au mal que ça pouvait leur causer de ne pas se voir.
Le premier acte prend toute sa valeur à la fin de l’opéra. Enigma est complexe. Il faut donc bien prendre le temps de situer le personnage de l’auteur avant de comprendre celui du journaliste. Le premier acte est donc un peu long, mais tout de même divertissant. Le jeu d’Antoine Bélanger est vraiment ce qui nous permet de nous accrocher à l’histoire. Il interprète le rôle d’Abdel Znorko avec charisme et de manière brillante. Pour sa part, Jean-Michel Richer joue bien son rôle, on comprend rapidement qu’il en sait plus que ce qu’il en laisse voir, et son personnage aide au public à comprendre le tout. Malheureusement le ténor n’a pas pu nous éblouir comme il se doit, puisqu’il était diminué en raison d’un petit rhume.
À la fin du premier acte, on apprend que cette mystérieuse femme qui a su capturer l’attention de l’auteur n’est nul autre que l’épouse du journaliste. Un revirement surprenant qui donne le ton pour la suite des choses. Le deuxième acte fait passer ses protagonistes par une vague d’émotions. On explore les mondes de la jalousie, la colère, l’amertume, la trahison, la tristesse et l’amour. Enigma n’est pas un opéra léger, quoi que le texte nous réserve quelques moments drôles, même absurdes par moments.
J’ai définitivement préféré le deuxième acte. On reste moins en surface et on s’attaque en profondeur à des questionnement liés à l’amour et nos actions en découlant. Le jeu de Jean-Michel Richer est vraiment mis en valeur, il a su m’émouvoir dans sa quête de réponse qui semblait franche et authentique, son personnage prend finalement ancrage dans cet opéra.
Enigma est magnifique et éblouissante, on ressort de cet opéra avec de nombreuses réflexions et un peu abasourdis par la beauté et profondeur des textes d’Éric-Emmanuel Schmitch. Je ne peux que vous conseiller de voir cet opéra, et j’espère qu’on aura droit à des supplémentaires. Mais en attendant, il reste encore une représentation ce weekend!