Elisapie : une voix qui porte!

Par : Luc Lecavalier
C’est avec émotion et autorité qu’Élisapie s’est emparée de la scène TD du Festival de Jazz de Montréal, samedi dernier, pour un spectacle haut en couleur et faisant l’éloge des communautés autochtones, « réduites au silence pendant trop longtemps ». Le temps d’un soir, c’est Elisapie qui nous a dominé avec sa voix envoûtante et son énergie à en donner les frissons.
« Ce soir, Élisapie vous emmène chez elle ». C’est ainsi que Maurin Auxéméry, directeur de la programmation du festival, a introduit le show de ce soir-là à la foule. Et déjà, l’image d’une tente illuminée de l’intérieur au beau milieu de l’étendue infinie de la toundra nordique, affichée sur l’écran géant en arrière-plan, nous plonge dans cette ambiance intime et chaleureuse.
Ce spectacle met en vedette son dernier album, Inuktitut, ou elle interprète des chansons populaires de son enfance dans sa langue maternelle, ainsi que quatre autres morceaux de son répertoire. Pour Inuktitut, Elisapie prend sa revanche sur la colonisation en « volant des chansons aux blancs », alors qu’elle y va de sa propre appropriation de chansons provenant d’artiste tel que Fleetwood Mack, Queen ou Pink Floyd.
Quand la musique mélange les cultures

Les musiciens se mettent à l’œuvre et l’artiste arrive sur scène avec prestance, habillée d’une grande robe spectaculaire faites de franges de style Tyvek, qui s’incorpore à merveille avec l’image qu’Elisapie projette. Celle-ci début avec Uummati Attanarsimat (Heart of Glass), du groupe Blondie. Cette chanson de discothèques des années 80 devient alors plus rock et intense, la voix grave et profonde d’Elisapie y étant pour beaucoup.
Sur ce cover, on retire l’instrumental plus électro pour ajouter des percussions plus retentissantes et faire plus de place au chant. Avec Isumagijunnaitaungituq (The Unforgiven) de Metallica, ce n’est pas du metal mais on garde ce côté très énergique; Elisapie qui est bien accompagnée par deux sets de batterie pour des percussions qui s’entendaient jusque dans le Complexe Desjardin.
Elle a aussi tenu à rendre hommage à Leonard Cohen, forte influence musicale et « guide » lorsqu’elle est arrivée à Montréal, il y vingt ans. Pour cette interprétation de Taimaa Qimatsiniungimat (Hey, That’s No Way to Say Goodbye), Élisapie est rejoint par Patrick Watson, ou il chante même en inuktitut, une attention qui émeut la chanteuse principale.
Un spectacle magnifique!

Militante mais compréhensive, l’artiste originaire de Salluit au Nunavik passe son message sans jamais trop en faire. Quand elle s’adresse au public, elle alterne entre anglais, français et inuktitut d’une façon si naturelle qu’on fini par incorporer sa vision et vouloir, nous aussi, briser des murs entre communautés.
L’identité nouvelle donnée par Elisapie aux chansons populaires est si crédible qu’on en oublie les versions originales. C’est qu’il s’agit bien plus que d’une version dans une autre langue. Elle infuse un côté spirituel et hypnotique à ces chanson qui nous apporte des sensations nouvelles. On anticipe que, chantées dans une autre langue, on perd la connexion à ces chansons populaires mais c’est tout le contraire qui se produit.
Les musiciens, disposés en arc derrière elle lui donne toute la place mais impossible de ne pas remarquer la diversité des instruments qui donne un rythme bien adapté pour ce concert à la musique d’ordinaire plus douce d’Elisapie. Quant à elle, elle livre une performance qui n’a rien à envier aux plus grands artistes ayant pris part au festival au fil des ans.
