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OFF JPR : Juste pour rôder animé par Thomas Bédard et le Bitchfest de Mona de Grenoble

Une soirée où les blagues ont volé haut, et les couteaux ont volé bas!

Le BitchFest de Mona de Grenoble Crédit photo : Rashad Bedeir

Par : Myriam Bercier

Selon la section « À propos » de son site, « OFF JPR a souvent été décrit comme la facette la plus audacieuse et irrévérencieuse du festival ». J’allais effectivement pouvoir le tester en assistant aux spectacles Juste pour rôder animé par Thomas Bédard et le Bitchfest de Mona de Grenoble – animé par Lady Guidoune.

Juste pour rôder animé par Thomas Bédard

Crédit : Myriam Frenette

C’est devant une salle comble, remplie à moitié par des gens habitués du Terminal Comédie Club et à moitié de gens qui découvraient l’endroit pour la première fois que s’est déroulé le spectacle OFF JPR Juste pour rôder. Ce dernier, animé de main de maître par Thomas Bédard, a permis à cinq humoristes de venir casser des blagues. « Certaines blagues vont naître, d’autres vont mourir devant vous ce soir », a badiné Bédard avant l’arrivée de son premier invité. À la fin du spectacle, force est de constater que très peu (voire aucune) des blagues présentées ce soir n’iront au cimetière des blagues plates.

Avant d’accueillir son premier invité, l’animateur a réchauffé la foule avec un peu de crowdwork, dans l’objectif avoué d’apprendre à connaître les gens réunis dans la salle. Les thèmes abordés ont été les grands classiques de cette technique : la nationalité, l’emploi, l’actualité… Mais l’exercice a permis à celui qui a gradué de l’École nationale de l’humour (ÉNH) en 2023 de faire preuve de sa vivacité d’esprit.

Son premier invité, Waly Dia, en était à son premier passage au Québec. Il a donné le ton à son segment en tenant à « saluer Gilbert Rozon, qui est dans la salle… Ben non, c’est pas vrai, il n’a pas le temps avec son procès! » Celui qui s’inspire de l’actualité et du monde absurde dans lequel nous évoluons a égratigné la France et les États-Unis avec son humour percutant. Ses blagues parfois trash, sa répartie et son attitude ont charmé le public. Waly Dia était absolument dans l’improvisation, comme l’a prouvé sa demande au public de lui proposer un sujet. « Tout ce que je dis là, c’est ce que j’ai envie de dire maintenant. » On ne peut douter de sa préparation, ou bien de son talent inné pour le comique.

Ce fut ensuite le tour de Stan, second invité de la soirée. À l’instar de Waly Dia, c’était sa première fois à Montréal, et son second stand-up à vie. Acteur français qui évolue à Paris, il découvre Montréal avec grande surprise de son propre aveu. Son personnage scénique de la personne (trop) gentille aborde l’impossible quête d’être aimé de tous, même des gens méchants, ainsi que son invisibilité. Son anecdote du meilleur plieur de France (mais du pire vendeur) est à la fois succulente et attendrissante. Il présente une facette à laquelle tous peuvent au mieux se reconnaître ou au pire s’attacher. Car comme le dit l’humoriste : « avec la gentillesse on peut lutter contre le capitalisme. »

Vient ensuite Charlie Haid, mentaliste et auteur du livre Deviens un aimant social. Voyant que peu de gens dans la salle connaissent le mentalisme – seulement deux osent taper des mains lorsqu’il demande qui sait ce qu’est un mentaliste, et il les traite illico de menteurs – Charlie Haid explique qu’en bref, c’est d’essayer de comprendre ce qu’il y a dans la tête des gens. « En fait, ce sont des charlatans très confiants ». Comme il participe au spectacle Juste pour rôder, il décide de faire quelque chose qu’il n’a jamais fait auparavant : transformer un quidam du public en un mentaliste. Pour ce faire, il choisit deux personnes dans la foule sur base volontaire et les fait monter sur scène. Est-ce arrangé avec le gars des vues? Difficile à dire, mais cela fait ressortir le côté réactif du public. Avis aux intéressés, le jeune homme sera en représentation ce dimanche au Gesù.

L’avant-dernière invitée, Nadine Massy, avoue d’entrée de jeu : « dernièrement, mes amis m’ont dit que j’ai l’air d’une conne… Merci à ceux qui ont ri. » Sa dégaine fait bien rire l’assemblée. Mère séparée et humoriste de 40 ans, elle aborde avec humour ses expériences sur les applications de rencontre. Elle propose également deux chansons, notamment une sur le concept de fantômisation (le fameux ghosting, comme on dit dans la langue de Shakespeare) en mettant bien en garde avant de commencer qu’elle n’est pas une virtuose de la guitare et qu’elle chante mal. « Je vous invite à être déçus », s’exclame-t-elle. Une fois de plus, le public réagit et rit à gorge déployée à de nombreuses reprises.

C’est à Yassir qu’incombe la tâche de clore cette belle soirée de découvertes. « Si ça se passe bien, on aura passé un trop bon moment, sinon ben… je suis le dernier! » rigole-t-il avant de commencer. Son type d’humour va un peu dans tous les sens, sautant du coq à l’âne, mais ça fonctionne, comme le confirment les nombreux rires qui animent le Terminal Comédie Club. Son passage sur l’œuf, notamment, est un vrai délice (j’assume entièrement ce jeu de mots), sans compter celui sur la campagne (livré en tant qu’Arabe de campagne, en opposition aux Arabes de ville). Si, comme on peut le lire dans sa bio sur Les lions du rire « Yassir n’a pour ambition que le rire et l’envie de vous faire passer une belle soirée », on peut dire que le défi a été relevé en ce 18 juillet.

Le Bitchfest de Mona de Grenoble – animé par Lady Guidoune

Crédit photo : Rashad Bedeir

Pendant longtemps, j’ai cru que j’étais trop sensible pour l’humour de type « roast ». Puis, j’ai vu Mona de Grenoble offrir un bien-cuit à Marylène Gendron et Sam Cyr lors du 200e épisode de leur balado Tout le monde s’haït (qui en a bien pris pour son rhume pendant cette soirée où les couteaux volaient bas) et j’ai réalisé que lorsque c’est bien fait, je peux l’apprécier.

L’animatrice de la soirée, Lady Guidoune, a été accueillie comme une vraie vedette de rock. « Je ne suis pas Honey Boo Boo [de l’émission Toddlers & Tiaras, NDLR] version adulte ni Annie de la comédie musicale qui s’est faite piquée par une abeille », a ironisé la fille de drag de Mona de Grenoble et animatrice de la soirée. C’était la troisième édition de cette soirée : la première avait écorché Christine Morency (2022) et la seconde, Math Duff (2023). Le Bitchfest revenait enfin cette année, au grand bonheur des adeptes d’amour piquant et du politiquement-pas-si-correct. « On essaie de ne pas mettre fin à nos carrières ce soir. Ça va être gras », annonce d’emblée la maître de cérémonie. Puis, les panélistes sont invités sur scène : Coco Belliveau, Sam Cyr et Justine Phillie. Arrive ensuite la pièce de résistance : Mona de Grenoble, dans un stylisme qui ressemble à « Dolores Ombrage [personnage d’Harry Potter, NDLR] avec une cirrhose du foie » dixit de Grenoble ou un « sac de poubelle Chanel », dixit Phillie. Lady Guidoune, quant à elle, se fait comparer à Laurent Paquin en drag queen par Coco Belliveau.

Crédit photo : Rashad Bedeir

Pendant ce spectacle d’une heure, personne n’est épargné. Chacun des humoristes invités s’attaque mutuellement, illustrant la bonne camaraderie entre eux et la bonne répartie de la roastée. L’autisme de Coco, le côté moins connu de Sam et même le fait que Justine peut être perçue comme la version vidange de Grosse Douceur (oui, le personnage du McDonald’s) y passeront. Parce que comme le soulève Alexandre Aussant, l’humoriste sous tout le maquillage et les paillettes de la drag queen, : « Un roast, pour que ce soit agréable, il faut que ce soit fait dans l’amitié. Il faut que ce soit envoyé et reçu avec amour » (La Presse).

Crédit photo : Rashad Bedeir

Coco Belliveau, qui ouvre les hostilités, aborde leur passage à Big Brothers Célébrités (2023), De la poudre aux yeux, son premier One-Mona-Show ainsi que les habitudes de fantômisation (ghosting) de son amie, chanson créée par intelligence artificielle et captures d’écran à l’appui. C’est une belle déclaration d’amour qui conclura cette première séance sur le grill : « je t’aime ben trop pour me débarrasser de toi! », lancera l’Acadienne à la drag-queen.

Coco Belliveau, Crédit photo : Rashad Bedeir

Première (et seule) surprise de la soirée : Charlie Morin, animateur de balado (2fxfslematin et Plume dans l’Q, qu’il coanime avec Lady Guidoune – si tout n’est pas dans tout…) et humoriste. Il a d’ailleurs assuré la première partie du spectacle De la poudre aux yeux en 2023. « Quand on m’a appelé pour venir la roaster, je me suis dit : la rumeur est vraie… Mona n’a plus d’amis! », a-t-il ironisé. C’est à son amitié avec Rainbow (avec qui Mona animait le balado Entre 2 lèvres – qui aura droit à un retour le 29 juillet prochain à l’Olympia de Montréal), son hypocondrie, son côté paranoïaque et ses habitudes d’avant spectacle que Morin s’attaquera.

Charlie Morin, Crédit photo : Rashad Bedeir

Puis vient le tour de l’humoriste et podcasteur Sam Cyr de parler du « travesti préféré du Québec depuis Ti-Mé ou la putain d’antan dont personne ne voulait » comme il décrit lui-même la roastée. Tout au long de son segment, Cyr est fidèle à son style, avec son vocabulaire et ses mimiques bien à lui, mais y saupoudre une bonne dose de vulgarité. En guise d’exemple, il va jusqu’à comparer l’anus de l’invitée d’honneur du Bitchfest au beigne de La Beignerie qui porte son nom.

Sam Cyr, Crédit photo : Rashad Bedeir

Finalement vient le temps de la dernière invitée : la scénariste, autrice et humoriste Justine Phillie. L’homophobie et la grossophobie ne sont pas des thèmes proscrits de la soirée, bien au contraire. La preuve? Cette vacherie de Phillie : « les années passées, on a misé sur de gros noms, cette année on a misé sur des gros. On dirait un panel pour l’intimidation! » L’apparence physique de Mona, son poids, son anxiété et même son manque de jugement sont ridiculisés.

Justine Phillie, Crédit photo : Rashad Bedeir

En toute fin, Mona de Grenoble a l’occasion de répondre à ses invités. Bien sûr, elle ne se retiendra pas, mais elle soulèvera également certains de leurs bons coups. « Je vous aime, mes beaux mangeux de marde, et vous autres aussi », lancera-t-elle vers la salle pleine du Studio TD, qui se lèvera d’un bond pour une ovation debout.