Chapeau à toute l’équipe du Théâtre du Rideau Vert

Par : Mathieu Pedneault
Il y a des traditions qui font du bien. Certaines nous replongent dans l’enfance, d’autres dans l’excès du temps des Fêtes, et parfois, une tradition nous ramène à ce que la culture fait de mieux : rire de nous-mêmes, revisiter l’année avec un regard acéré, impertinent, mais terriblement humain. Revue et corrigée 2025 au Théâtre du Rideau Vert fait partie de ces rituels qui, année après année, nous rappellent pourquoi l’humour politique, l’observation sociale et la satire demeurent des outils essentiels pour mieux digérer l’actualité et, surtout, pour la célébrer et la tourner au ridicule quand il le faut.
Cette édition 2025 marque un tournant symbolique : le Rideau Vert accueille une nouvelle direction, succédant à Denise Filiatro, figure incontournable qui a laissé une empreinte majeure. Un changement dont l’énergie se ressent déjà dans l’air — un mélange de continuité et de renouveau qui transparaît sur scène.
Une équipe de création solide et inspirée

La signature artistique de cette édition repose sur la mise en scène vive, intelligente et nerveuse de Nathalie Lecompte, qui connaît manifestement les rouages de la satire comme peu d’artistes au pays. Sa direction est précise, rapide, efficace — un rythme essentiel pour une revue annuelle qui jongle avec des dizaines de tableaux humoristiques, d’imitations, de transitions et de clins d’œil à l’actualité.
Le texte et la structure de la revue, orchestrés par le script-éditeur Luc Michaud, brillent également par leur finesse. On y retrouve ce mélange si particulier de mordant, de tendresse, d’indignation bien placée et de pure folie. Michaud réussit cette prouesse difficile : faire rire du tragique sans jamais le banaliser, et faire réfléchir sans jamais ralentir le spectacle.
Une distribution qui carbure à la chimie

La force de Revue et corrigée réside dans sa troupe. Année après année, le Rideau Vert réunit certains des artistes les plus talentueux — et cette édition ne fait pas exception. Pierre Brassard, vétéran incontournable, signe encore une fois une performance magistrale. Sa capacité à passer d’un personnage à l’autre, souvent à la seconde près, demeure un plaisir inlassable à regarder. Il mêle précision comique et absurdité avec une aisance spectaculaire.
À ses côtés, Benoit Paquette, un autre pilier de la revue, domine la scène avec une présence unique : à la fois clownesque, intellectuelle, et délicieusement imprévisible. Son timing comique est chirurgical. Paquette est l’un de ces rares artistes capables de faire rire simplement en entrant sur scène — ou même en respirant au bon moment.
Monika Pilon, quant à elle, livre une performance d’une assurance remarquable, passant de la satire à la caricature avec une facilité déconcertante. Elle donne l’impression d’avoir été taillée pour ce type de spectacle. Sa voix, sa gestuelle, son sens du punch : tout y est.
Marie-Ève Sansfaçon, toujours solide, apporte une dimension plus nuancée. Elle possède cette capacité de passer de l’humour franc au réalisme sincère, créant des moments où le public décroche un rire avant même d’avoir compris pourquoi.
Mais la grande surprise — et l’un des coups de cœur de la soirée — est sans contredit la nouvelle recrue Catherine Souffront Darbouze. Pour une première participation, elle impressionne par son aplomb et son charisme. Sa reprise du personnage de Boucar Diouf, en particulier, est un véritable bijou : juste, brillante, hilarante, et livrée avec une affection palpable pour l’humoriste. Elle ne se contente pas de l’imiter : elle le revisite, le réinvente et nous sert un moment d’éclat que la salle n’est pas près d’oublier.
Enfin, un classique indétrônable : Marc St-Martin, présent depuis des années, fidèle comme un métronome qui ne rate jamais une note. Dès qu’il apparaît, la salle s’allume. Sa maîtrise de l’imitation, son humour discret mais incisif, son sens de la scène… Marc Saint-Martin demeure l’un des grands artisans de la réputation de la revue, et ce cru 2025 confirme encore une fois pourquoi.
Une revue ancrée dans l’année, mais pas prisonnière

C’est toujours le défi : comment résumer, caricaturer, digérer et célébrer douze mois parfois lourds, parfois absurdes, parfois lumineux ? La Revue 2025 relève le pari avec brio.
Politique provinciale, fédérale, internationale, culture pop, scandales, catastrophes, éclats de génie, réseaux sociaux, influenceurs, intelligence artificielle (évidemment), météo apocalyptique — tout y passe. Mais jamais gratuitement. Chaque tableau a sa raison d’être. Chaque blague est adossée à une observation sociale. Chaque imitation met en lumière ce que l’actualité a de plus grandiose, ou de plus ridicule.
Le spectacle réussit à garder un ton rassembleur, même lorsque l’actualité, elle, ne l’est pas. C’est là toute la beauté d’une revue : rire ensemble, même quand on n’est pas d’accord sur tout.
Un rituel de fin d’année absolument nécessaire
Personnellement et je l’assume, Revue et corrigée est pour moi un moment incontournable du mois de décembre. C’est un spectacle que j’attends chaque année, comme une fête avant la fête, un pré-réveillon culturel où l’on célèbre le meilleur et le pire de ce que nous avons vécu collectivement. Cette édition 2025 fait honneur à cette tradition. Elle est à la hauteur, brillante, rythmée, bien jouée, mieux écrite que jamais.
Je n’ai rien à redire. Jamais rien. Le Rideau Vert livre encore une fois un spectacle solide, généreux, tissé serré par une équipe qui maîtrise parfaitement l’art de rire de tout — mais pas n’importe comment.
À voir absolument – jusqu’au 4 janvier

Si vous cherchez un spectacle à voir pendant les Fêtes, si vous voulez décrocher, rire aux larmes, réfléchir un peu (mais pas trop), et ressentir cette chaleur si particulière du théâtre d’ici, foncez. La Revue et corrigée 2025 est l’une des meilleures de ces dernières années, portée par une troupe exceptionnelle et un vent de renouveau palpable.
La représentation se tient au Théâtre du Rideau Vert jusqu’au 4 janvier, et franchement, ce serait une erreur de passer à côté.
Chapeau à toute l’équipe — vraiment!


