En route vers un cinquième opus
Crédit photo: ©Julie Artacho
Par: Anny Lemire
Le 6 avril dernier, j’ai eu la chance de m’entretenir au téléphone avec Martine Desjardins à la suite de la sortie en librairie de son nouveau livre. La chambre verte est un roman d’inspiration gothique à l’humour noir garni à souhait de secrets bien protégés par la maison des Delorme. Situé au coeur de Mont-Royal, ce roman «présente d’une manière romanesque le cycle des fortunes Bourgeoise: la première génération accumule le capital, la deuxième génération le fait fructifier et la troisième génération, qui est extrêmement dépensière, dilapide le tout .»
«En parallèle avec [la fortune bourgeoise], je voulais faire l’histoire de la petite ville de Mont-Royal, qui est une histoire fondée aussi sur une entreprise financière d’une compagnie de chemin de fer. Je voulais aussi montrer le passage d’une économie où les gens étaient d’une petite épargne jusqu’au passage de la société de consommation après-guerre, où l’argent est vu comme étant quelque chose qu’on dépense pour acheter des biens, et non plus pour s’assurer une sécurité.[…] C’est tout cet horizon-là que je voulais décrire avec le roman.», me confie Madame Desjardins. La chambre verte raconte l’histoire de la famille Delorme. Le chef de famille, Louis-Dollard, est excessivement avare et a développé un vrai culte autour de l’argent. Ce n’est pas ici une façon de parler, non! Une véritable voûte verrouillée et cachée dans les profondeurs du sous-sol rempli de billets de banque et une nouvelle religion dédiée au fric ne sont que quelques exemples de l’hérésie de ce personnage. Ce n’est donc pas une surprise de le voir se mettre en tête de marier son fils unique à une jeune femme fraîchement débarquée en ville (Penny Sterling) qui semble pleine aux as.
Grandement influencée par les romans gothiques, les romans policiers, les romans victoriens (genre Dickens) et les humoristes anglais des années 20, Martine Desjardins dit que l’inspiration première du roman provient surtout de sa famille : «Je dirais que c’est surtout les histoires de ma famille qui tournaient beaucoup autour de l’argent. J’ai donc vu un thème que je pouvais exploiter. »Provenant d’une famille de constructeur, cela lui avait inspiré depuis longtemps l’idée d’un narrateur plus inhabituel. C’est en effet la demeure de la famille Delorme qui se trouve au coeur de ce récit. « Donner une voix à la maison[était le plus ardu] parce que, au départ, c’est assez difficile pour un être humain de s’imaginer comme un tas de briques. Je me suis basée sur les similitudes des fonctions entre les éléments d’une maison et le corps humain, et petit à petit, la maison a acquis une personnalité, des opinions, une façon un peu ironique de voir la famille qui l’habite, pour finalement devenir un acteur principal du roman.»
Cependant, il n’y a pas seulement le foyer qui possède cette fraîcheur, cette étincelle unique. En effet, les personnages de Martine Desjardins ont toujours cette personnalité bien à eux. Une personnalité très présente, parfois tordue et dérangeante, mais qui les caractérise très bien. On s’amuse à détester les méchants et encourager les héros. J’en ai profité pour lui demander quel personnage l’avait le plus fait vibrer durant l’écriture de La chambre verte.«Les personnages qui sont méchants m’ont beaucoup amusée, j’ai eu beaucoup de plaisir à les écrire. C’est sûr qu’affectivement, j’ai un peu de pitié pour le personnage de Vincent, mais le personnage que j’aime le plus, c’est celui de Penny, l’étincelle qui vient mettre le feu à la baraque. En tant que catalyseur, je l’aime beaucoup parce qu’elle a un petit peu de frondeur.»
Un processus d’écriture fascinant
Malgré l’expérience de ses nombreux romans antérieurs, Martine Desjardins possède un processus de création assez particulier mais fort intéressant. «J’ai une formation de réviseuse, j’ai un peu de difficulté à écrire en français, c’est-à-dire que je suis toujours en train de me corriger et je n’avance pas. J’essaie donc de contourner ce problème majeur qui est de coucher l’histoire sur le papier dans un premier jet complet. Je le fais en anglais, parce qu’en anglais, je n’ai pas de surmoi qui juge. Le flot créatif est donc beaucoup plus libre. Après, je fais la rédaction en français, ce qui me prend un temps fou. Puis, quand vient le temps de la révision et de la correction, je vois mieux les personnages et l’intrigue, et je peux mettre de l’ordre dans mon désordre. »
©Annik MH de Carufel, Le Devoir
Livre papier vs livre numérique
Quand je lui ai demandé son opinion sur l’avenir des livres papiers, celle-ci m’a répondu avec beaucoup de générosité.«Le livre papier est quand même quelque chose qui ne pourra pas disparaître. Les liseuses, c’est extrêmement pratique, […] j’adore l’instantanéité et être capable de lire une critique de livre et obtenir le livre cinq secondes après! Je n’ai pas de problème à lire sur les liseuses, mais il me faudrait une liseuse où je pourrais souligner et écrire dans la marge à la main. Je préfère le papier pour cette raison. »
Voyager chez soi
Elle est présentement en création pour une nouvelle. Celle-ci fera partie d’un recueil collectif intitulé Poste restante,publié aux éditions Le Sabord. Il sera constitué de huit nouvelles(huit auteurs) abordant un endroit du monde différent. Comme Madame Desjardins voyage peu, elle affirme que c’est une manière pour elle de visiter le monde tout en restant chez elle. Le projet est encore très secret, c’est donc pourquoi je n’ai pas de date de publication à vous confirmer. Restez à l’affût! Sans nous en dire plus, l’auteure nous assure également que son coin de planète sera des plus inspirants.
Des coups de cœur pour conclure
En attendant son prochain projet, pourquoi ne pas entamer la lecture de ses romans coup de cœur: La Chambre Neptune de Bertrand Laverdure, paru le 15 mars chez La Peuplade, les premiers romans de Sarah Waters ou encore Le Quinconce de Charles Palliser ?!
La chambre verte est paru aux éditions Alto le 22 mars 2016.
Texte révisé par : Marie-Claude Lessard