Une pièce sur les catastrophes
© Nicola-Frank Vachon
Par Sébastien Bouthillier
Sept biographies se croisent sans que ceux qui assument la vie rattachée à chacune ne s’en aperçoivent immédiatement. Les catastrophes qu’ils traversent découlent de celles des autres ou les engendrent comme si le destin d’un seul dépend de celui de plusieurs. D’ailleurs, quand les assureurs prétextent l’Act of God après un désastre, c’est parce qu’ils refusent d’indemniser et le sinistré se débrouille seul.
Dans la pièce aussi, la raison échoue à trouver des explications logiques au malheur qui s’abat sur l’enseignante du secondaire, le biologiste, le photo-reporter, la spéculatrice financière, l’agent d’assurances et Clara, bouleversée par sa crise d’adolescence, sa « Grande guerre 14-18 ». À plusieurs années d’intervalle, les choix de l’un se répercutera en catastrophe sur les autres, tous étant liés.
Découpée en courts tableaux joués dans le désordre chronologique, la trame labyrinthique de la pièce se dévoile progressivement. C’est seulement à l’approche du dénouement que les derniers liens deviennent possibles et que, en rétrospective, on conçoit le rôle occupé malgré lui par chacun dans le drame de l’autre. La force évocatrice d’Act of God repose dans le constat d’insouciance et d’impuissance qui aspire la salle grâce à la ressemblance des personnages avec les gens ordinaires de classe moyenne.
© Nicola-Frank Vachon
Sept comédiens captivent l’auditoire de cette pièce créée à Québec en 2014 présentée à Montréal cet hiver. Dans la production écrite et mise en scène par Marie-Josée Bastien et Michel Nadeau, Caroline B. Boudreau, Jean-Michel Déry, Charles-Étienne Beaulne, Véronika Makdissi-Warren, Réjean Vallée, Danièle Belley et Maud de Palma-Duquet incarnent plusieurs rôles secondaires, déplacent le mobilier et changent de vêtements à tous les tableaux en un tournemain.
La scène est inclinée pour accentuer l’impression que les personnages déboulent sur le public, que ce qu’ils subissent les happe pour les emporter ailleurs dans leur existence. Aussi, la façon qu’ont les comédiens de lancer à leur gauche à l’avant du plateau les accessoires qu’ils utilisent indique leur désir de tout casser, d’abandonner.
Le film Magnolia propose une narration similaire du quotidien de personnages troublés par les malheurs qui s’abattent sur leur vie. Les passages de la pièce qui mettent à l’avant-plan l’adolescente Clara et sa bande d’amis infréquentables rappellent également le roman Haine-moi de Paul Rousseau. Si les catastrophes sont attribuées à Dieu, la chance ne lui est pas imputée.
Act of God, présentée au Théâtre Prospero jusqu’au 11 février.
Crédit photo couverture: © Nicola-Frank Vachon
Texte révisé par : Matthy Laroche