Analyser et transmettre des émotions variées
©Benoit Rousseau / MatTv.ca
Par : Marie-Claude Lessard
Malgré quelques facilités et un certain manque d’audace, on peut être extrêmement fier de nos fictions québécoises. Particulièrement cette année, de lourds thèmes ont parsemé nos téléséries et téléromans préférés, que ce soit les répercussions d’un accident causé par l’alcool au volant dans Pour Sarah, les dépressions dans Unité 9, l’infidélité féminine dans Les beaux malaises, les ruptures amoureuses dans Le chalet, la réconciliation dans O’ ou encore la pédophilie dans Mensonges. Le public a massivement ressenti de l’attachement et de l’affection envers ces séries tantôt poignantes tantôt réjouissantes. Si cet amour s’avère aussi immense, c’est en grande partie grâce à des performances ahurissantes de comédiens chevronnés et de talentueux nouveaux venus. Rencontres avec des acteurs fascinants qui relatent avec passion les diverses facettes de leur merveilleux métier.
L’importance d’une télévision jeunesse
Récipiendaire du trophée de la meilleure artiste jeunesse pour ses rôles dans Le chalet et L’appart du 5e, la très occupée Sarah-Jeanne Labrosse (Les pays d’en haut, Madame Lebrun, Yamaska, Unité 9 et j’en passe!) n’a pas caché l’amour inconditionnel qu’elle porte envers ses fans adolescents. Défendant l’importance d’une télévision jeunesse diversifiée et locale, l’actrice qu’on peut voir dans la web série Féminin/Féminin a partagé sa déception concernant la fin abrupte de KARV l’anti-gala, diffusé à VRAK.TV de 2004 à 2015. « Non seulement le gala sera retiré des ondes, mais il n’existera plus. Une chance, je pense que certaines personnes ont des plans de match pour faire un happening pour les jeunes. Je trouve cela très dommage car KARV était l’un des beaux galas qu’on avait au Québec. C’était très divertissant et ça donnait un droit de parole aux jeunes, chose qu’ils ont malheureusement très peu souvent. Je pense aussi que la télévision jeunesse doit rester québécoise, que les diffuseurs ne se contentent pas seulement d’acheter des séries traduites. Quand les jeunes regardent une émission sur leur sofa, ils veulent se reconnaître. Donc, j’espère que VRAK va continuer d’oser et créer d’autres émissions pour eux. »
D’hilarants beaux malaises
Tous deux couronnés respectivement meilleur artiste masculin et artiste féminine dans une comédie, Martin Matte et Julie Le Breton gardent d’excellents souvenirs de l’aventure des Beaux malaises, cette nouvelle série culte qui a tant fait rigoler et réfléchir le Québec. Or, tout n’était pas toujours rose sur le plateau. « Le plus beau malaise que j’ai vécu sur le plateau est lors du tournage de la seconde saison. Mon personnage était saoule et devait danser. Je me suis blessée au cou. J’ai trop secoué ma tête, j’avais mal au cœur, comme si j’avais le mal de mer ou des transports. Il fallait tout de même continuer la scène et boire du vin, ce n’était pas super facile. » a confié Julie Le Breton. L’autre moitié du couple, Martin Matte, a plutôt choisi une scène célèbre de la troisième saison : « J’ai écrit une scène dans laquelle mon fils joue avec un vibrateur. Sur papier, c’est très drôle. Par contre, quand tu dois tourner la scène avec des enfants qui posent des questions entre les prises, c’est là que les malaises s’installent. Ils nous demandaient ce qu’est un vibrateur, et Julie a répondu que c’était un objet qui chatouille! Dans la scène, il fallait instaurer de longs silences et ça l’a donné lieu à de gros fous rires. Cette scène va toujours rester gravée dans ma tête.»
Rendre justice à la réalité
La jeune comédienne Marianne Fortier a remporté son tout premier Artis grâce à sa prestation criante de vérité dans Pour Sarah. Afin de se glisser dans la peau de cette adolescente qui doit accepter et apprivoiser sa nouvelle condition physique diminuée, elle a discuté avec des experts en santé. « Mon partenaire de jeu Sylvain Marcel a été préposé dans des hôpitaux pendant une dizaine d’années. Je faisais des démarches avec une physiothérapeute et il émettait ses opinions. Ce fut très formateur. » Marcel, qui incarne le père de Sarah, n’a que des bons mots à l’égard de la chimie qu’il partageait avec la vedette d’Aurore. « Ce soir, pendant une prise de photos, nous nous sommes rappelés notre premier jour de travail ensemble. On avait fait des photos, on ne se connaissait pas. On devait jouer un père et une fille extrêmement unis et on était un peu mal à l’aise. Maintenant, on se retrouve ici, à prendre des photos et à célébrer nos victoires. Ce prix, puisqu’il provient entièrement du public, me touche droit au cœur. Voir Justine Rozon (la vraie Sarah) dans la salle ce soir m’a bouleversé. Dans la série, il y a une scène où je m’allonge dans le lit d’hôpital de ma fille. Cette scène est particulièrement importante pour moi, car j’ai vu la photo de Justine et son père dans le lit d’hôpital. Je voulais absolument reproduire à la lettre cette photo avec Marianne, car c’était trop beau, une belle démonstration d’amour pur. »
Chère Rita Lafontaine
Guylaine Tremblay (Unité 9 ) et Guy Nadon (O’), lauréats dans les catégories récompensant les performances dans les téléromans, ont bien voulu partager leur plus beau souvenir relié à la grande comédienne Rita Lafontaine, qui nous a quittés dans la nuit du 4 avril dernier à l’âge de 76 ans. Guy Nadon précise: « Un des plus précieux souvenirs que j’ai de Rita est qu’elle est venue manger chez moi le 5 septembre 1999 accompagnée de André Brassard et Jean-Louis Millette. 3 semaines plus tard, Jean-Louis est décédé. Lors du souper, nous avions pris des polaroids. J’ai une photo avec Rita. C’est cela que je retiens d’elle, un souvenir personnel, une visite chez moi. Je me souviens aussi du plaisir que j’ai eu à travailler avec elle il y a plus de 30 ans sur le plateau de la série Le retour. »
De son côté, Guylaine Tremblay se remémore un souvenir ayant eu lieu lors d’un gala. « J’étais assise à côté d’elle dans un gala. Nous étions toutes les deux en nomination dans la catégorie du meilleur rôle de soutien. J’étais très relaxe, persuadée que Madame Lafontaine l’emporterait haut la main. Et, finalement, on a nommé mon nom! J’étais complètement tétanisée sur ma chaise. Rita m’a regardé avec ses beaux grands yeux, m’a pris les mains et m’a dit ‘Vas-y! C’est à ton tour!’ C’était un très beau et doux moment. Depuis mi-avril, j’incarne au Théâtre Jean Duceppe Nana dans la pièce Encore une fois, si vous permettez. Rôle qu’elle a été la première à interpréter. Rita est dans mon cœur à chaque représentation. »
Texte révisé par : Matthy Laroche