Someurland
©Josias Gob
Artiste multidiciplinaire, Élaine Martin est bédéiste, illustratrice, peintre, auteure, musicienne, chanteuse… Bourrée de talent vous dites? Celle qui s’auto-diagnostique un problème mental avec la productivité et la créativité lançait l’automne dernier un premier album solo, une courte galette de 4 chansons surfant sur l’indie-électro et la synth-pop sous le pseudonyme évocateur de Someurland. Entrevue avec Élaine Martin, artiste accomplie qui ne manque pas de couilles et fait fi des tendances.
Pourquoi Someurland? D’abord pour la sonorité riche du nom, puis parce qu’on peut jouer sur l’image, celle qui évoque un grand champ de fleurs ensoleillé, le « Summerland » (aussi le nom d’une ville en Colombie-Britannique) qui contraste avec l’écriture volontairement négligée, un peu glauque, qui nous fait dévier vers le côté sombre de ce « Someur ». « J’étais sans doute attirée par l’idée de trouver un nom qui serait un lieu au BC vu que j’ai habité à Vancouver pendant 1 an et que c’est là-bas que les premières compositions de Someurland sont nées. Puis le fait que tous mes textes ne sont pas tirés des meilleurs moments de ma vie, ça ajoutait un sarcasme que j’aimais beaucoup. » Et aussi parce que, on va se le dire, « Terre d’été » c’est vraiment pas un nom de band winner.
©Someurland
Impliquée dans la scène locale au cours des années avec différents projets musicaux (LoRa et Amour à Jeun, avec le musicien et réalisateur JP Villemure, qui a collaboré au mixage et au mastering de l’album) ce n’est que dernièrement avec Someurland qu’Élaine a recommencé à faire de la musique sans la pression de devoir créer, s’inspirant surtout de ses expériences personnelles pour écrire les textes. « Les déceptions amoureuses, le deuil, la distance, les regrets. J’ai vécu une longue relation à distance et qui a mal fini. S’en est suivit d’une autre qui m’a pas mal achevée. Je ne composais plus depuis un bon moment. J’étais en panne d’inspiration depuis plus d’un an. Avec tout ça, j’avais une maudite grosse crotte su’l coeur et j’étais dans l’impossibilité de pouvoir la véhiculer aux personnes qui étaient impliquées, et c’est là que j’ai recommencé à faire de la musique. » Ça se ressent à l’écoute de Au vol, gorgée d’indie-rock cassant au rythme plus lourd. Pas de filtre, pas de flafla, le matériel de Someurland est intègre et sans compromis, à l’image de sa créatrice.
Quand on l’interroge sur la décision de chanter en français, on comprend que ce n’est ni un choix stratégique, ni une question purement artistique. « Mon choix de chanter en français est dû au fait que non seulement on m’a harcelée pendant des années pour que je le fasse, mais que j’ai découvert des artistes francophones que j’aime (Adamus, Karkwa, Fanny Bloom, Ariane Moffatt, Mara Tremblay). Maintenant que je réussis à écrire dans ma langue maternelle, je suis pratiquement incapable de revenir à l’anglais! » Chvrches, Washed Out, Amanda Palmer et Eminem sont autant d’artistes qui se retrouvent aussi dans son iPod..
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Il y a une ambiance très découpée dans chaque pièce de l’album, un peu comme des tableaux. Les chansons suivent une trame narrative forte et créent des images très cinématographiques, comme sur Juste un peu trop. Je me questionnais sur l’influence des arts visuels sur son processus de création musicale. « C’est intéressant comme parabole. Je ne pense pas que l’un influence l’autre, mais les deux viennent de la même intention : dire ce que je pense. Exprimer comment je me sens. Raconter une histoire. » Entièrement réalisé et monté par Élaine, le vidéoclip Coup de vent, filmé entre Toronto et Montréal, montre un univers enveloppant, sombre et mélancolique.
Indigène (ma chanson préférée), qui se distingue des trois autres pièces par son style plus pop minimaliste et son rythme dansant, a été composée sous l’influence directe de Suuns et clôt l’album sur un sujet plus positif, comme quoi on finit toujours par remonter la pente. Élaine Martin signe un mini-album réfléchi, aux textures sonores et à l’esthétique recherchées.
On se laisse avec un petit édito sur la scène locale montréalaise actuelle :« On laisse tomber les noms de bands avec des animaux, peut-être? Blague à part, en parlant avec des amis anglophones, je sais qu’ils ne sont pas fermés à entendre de la musique francophone. Le problème est qu’ils n’y ont pas accès et qu’il n’y a aucune promotion pour nous faire découvrir. J’ai l’impression qu’on se met nos propres barrières. L’intérêt est là, mais on n’ose pas on dirait. » Propos lucides quand on constate que Someurland a un potentiel exportable à ne pas négliger.