Au royaume atroce des comportements humains
© Gregory Lorenzutti
Par : Sébastien Bouthillier
Une femme, un homme et un canard se trouvent au cœur de ce spectacle. En disséquant les comportements humains, Nicola Gunn se demande s’il est possible de communiquer avec les autres d’une façon éthique sur des sujets qui touchent la morale. Évidemment, cela pourrait exclure de faire la morale même si c’est la dernière façon de leur mettre du plomb dans la tête!
« Mes œuvres mélangent performance, art et anthropologie pour explorer la fragilité de la condition humaine avec un humour subversif », commente l’artiste de Melbourne qui présente une fiction autobiographique avec Piece for Person and Ghetto Blaster.
Une énigme morale fonde le spectacle : que doit-on faire lorsqu’on croise quelqu’un qui lance des pierres à un canard? À plus forte raison (ou a fortiori, car admonester des idiomes latins quand on traite de morale confère une autorité irréfragable à l’argument) quand des enfants apportent des pierres à un adulte pour qu’il les lance.
© Gregory Lorenzutti
La représentation par l’Australienne de ce fait qu’elle a vécu, où elle s’est laissée répondre sans politesse par l’homme de se mêler de ses affaires australiennes puisqu’elle était à l’étranger, dans le pays de l’homme, des enfants et du canard, qui tentait de protéger ses œufs; bref, la représentation de ce fait vécu questionne le rôle de l’art dans l’intervention éthique.
Sur scène, elle allie ce qu’elle a observé lors de l’incartade et le souvenir qu’elle en garde afin d’illustrer l’épuisement où la conduit la tentative de conjuguer plusieurs paradigmes moraux. Elle déboulera bientôt le précipice du relativisme moral… Nicola Gunn oscille entre paix et conflit devant les spectateurs.
Une imprédictible chorégraphie représente son oscillation entre ces deux pôles, soutenue par une musique au rythme dense. Cette artiste glisse doucement vers un état étrangement affecté depuis son point de départ incongru. L’homme, les enfants et le canard n’agissent que comme révélateurs de ses impulsions morales que la musique ponctue.
De cette performance, tout en mouvements et en danse, ressort l’esprit de provocation et de réflexion excentrique d’une artiste déconcertante qui maîtrise l’art de la digression pour ne pas changer de sujet : elle digresse sans distancer l’éthique de la morale. Mais comment pourrait-elle différer d’un dérapage relativiste, à moins que ce soit le public qui dérape, Gunn maintenant le cap moral?
Piece for Person and Ghetto Blaster, à l’Usine C jusqu’au 29 septembre.
Texte révisé par : Annie Simard