Voler un rêve avec ça?
Par : Marie-Claude Lessard
Tous connaissent les deux arches dorées formant la lettre « M », ce symbole ultime de la restauration rapide, mais peu savent que le concept de base est né d’intentions les plus nobles. Voilà ce à quoi s’attarde précisément John Lee Hancock (The blind side, Saving Mr Banks) avec Le fondateur, un film biographique des plus classiques qui a néanmoins le mérite d’éviter la complaisance en étant bien plus qu’une longue publicité de 120 minutes glorifiant la célèbre franchise.
En 1954, Ray Kroc (Michael Keaton), un vendeur de robots à lait fouetté chez Prince Castle, peine à trouver une idée révolutionnaire qui lui permettra de gagner une fortune jusqu’au jour où il découvre par hasard le restaurant des frères Dick et Mac McDonald (Nick Offerman et John Carroll Lynch). Ce duo ambitieux réinvente la formule des drive in en ne servant plus des plats qui prennent 30 minutes à préparer, mais bien des hamburgers prêts en 30 secondes. Complètement séduit par l’idée, Ray se joint au projet en franchisant l’entreprise partout aux États-Unis. De plus en plus obsédé à rendre McDonald’s le restaurant le plus populaire au monde, Kroc se tanne des divergences d’opinion avec les frères et fait preuve de ruse pour s’approprier légalement la mine d’or.
Le fondateur se concentre sur les débuts de l’entreprise une fois qu’elle possède plusieurs locaux à travers l’Amérique. Le scénario effleure l’évolution mercantile du restaurant (pas de scènes dans des restaurants avec places intérieures et les fameux parcs d’amusement) pour mieux démontrer comment la détermination, la persévérance et le sens (immoral) de la compétition d’un homme ont mené à un des plus grands succès commerciaux à l’échelle internationale.
Sur le plan cinématographique, la forme narrative ne surprend guère, demeurant constamment en terrain connu. Le scripteur Robert Siegel a recours à plusieurs raccourcis dramatiques pour aborder grossièrement les vies privées de Ray, de Dick et de Mac. Pour indiquer que le mariage de Ray et d’Ethel (Laura Dern) bat de l’aile, on voit les amoureux dormir très éloignés l’un de l’autre. Pour illustrer que Dick et Mac perdent le contrôle de la situation et que cela les affecte physiquement, Mac va à l’hôpital. Pour exposer que le succès monte à la tête de Ray et qu’il se sent invincible, il courtise la femme d’un investisseur. Certes, ces actions ont réellement eu lieu, mais le traitement fictif accordé manque de profondeur et d’originalité.
Nick Offerman et John Carroll Lynch forment un duo infiniment charmant. Leur complicité crève l’écran. La passion et l’optimisme de ces deux rêveurs touchent énormément. En sachant plus sur leur histoire, on comprend que le principe premier derrière l’entreprise n’était pas de s’enrichir au détriment de la qualité, mais d’offrir un service rapide et respectueux à une clientèle pressée. Après avoir visionné le film, impossible de ne pas imaginer un destin plus écologique et bénéfique à McDo si l’appât du gain de Kroc n’était pas venu brouiller les cartes. Dire qu’une impitoyable poignée de main a conduit à la perte de ces inventeurs extrêmement attachants…
Héritant d’un rôle plus ingrat et antipathique, Michael Keaton effectue une performance fort convaincante. L’acteur incarne avec aplomb la ténacité et l’insensibilité de Ray Kroc. Dans le scénario de Siegel, le personnage s’avère un peu trop unidimensionnel, mais Keaton parvient à nuancer le manque d’empathie du requin. Le public se surprend alors à prendre en pitié l’homme lors d’une scène et à le mépriser lors de la suivante.
Sans réinventer la roue cinématographiquement parlant, Le fondateur brosse un portrait fascinant sur un pan méconnu de la célèbre chaîne de restauration rapide. Interprété avec conviction, le film suscite de belles réflexions sur l’immoralité reliée au monde des affaires.
Ce film est à l’affiche depuis le 20 janvier 2017.
Note : 3.5/5
Texte révisé par : Johanne Mathieu