Mais tout le monde cache l’évidence
Par Sébastien Bouthillier
Une histoire réelle dont il a été témoin a inspiré à l’auteur Steve Gallucio Les secrets de la Petite Italie, sa plus récente pièce qui occupera l’affiche tout le mois de novembre. « J’ai connu un garçon, l’ami d’un de mes bons copains, qui habitait dans la Petite Italie et aimait s’habiller en femme. Ses parents l’ont complètement rayé de leur vie. Ç’a été horrible ».
Mais l’écrivain a imaginé une suite qui se déroulerait aujourd’hui, une vingtaine d’années plus tard : « Je me suis demandé comment ça se serait passé si cette personne était revenue vers sa famille ».
Alors que Tony attend impatiemment le retour de sa femme qui ne rentre pas de ses courses, Ivana revient pour confirmer la disparition d’Amanda, qui ne supporte plus de vivre dans le déni, enfermée dans la tradition. Ivana ayant changé de sexe, son père feint d’ignorer qui elle est, lui qui a expulsé du giron familial son fils quand il avait 16 ans.
François-Xavier Dufour excelle dans son personnage féminin d’Ivana, la seule qui ait assez de sensibilité et d’empathie pour s’occuper de son grand-père au lieu de le traiter de fou délirant. C’est grâce au retour d’Ivana que l’abcès crève dans une scène de ménage où les couteaux volant bas rivaliseront de tranchant avec les répliques qui écorchent l’ego.
Les deux commères et le frère d’Ivana révèlent l’ancrage de la communauté italienne dans la paroisse Notre-Dame-de-la-Défense, où se déroule l’action, quartier officiellement désigné comme la Petite Italie par le maire Pierre Bourque dans les années 90. Ces commères, qui se déclarent amies de la disparue, mentent sur tous les propos pendant que le frère bombe le torse en tentant jouer les matamores, sans impressionner ses interlocuteurs.
Trois lexiques se chevauchent et témoignent de la diversité des façons de s’exprimer aujourd’hui: le québécois, notamment assorti d’anglicismes et d’expressions italophones. Quand ils commencent à se comprendre et donc à percer les secrets de famille, qui sont en même temps tabous, ils nient tout en dénonçant la calomnie et le mensonge.
Né en 1960, dans la Petite Italie, Steve Gallucio maîtrise son sujet. Après Mambo Italiano et Les chroniques de St-Léonard, Les secrets de la Petite Italie éclate au grand jour cet automne avant que, l’hiver prochain, Litte Italy, qu’il coscénarise, prenne l’affiche.
Les secrets de la Petite Italie, au Théâtre Jean-Duceppe jusqu’au 2 décembre.
Crédits photos : Caroline Laberge
Texte révisé par : Marie-France Boisvert