Liberté, scandale, amour, danse, chant & effeuillage…
Le 30 juin, une jolie salle de région Salle Kinsgey à Kingsey Falls, accueilles-en son sein le spectacle musical : Lili St Cyr.
Quelle brillante idée de retracer l’histoire sulfureuse de cette artiste américaine, reine du strip-tease, modèle & actrice, sur scène et en musique. Une équipe du tonnerre a travaillé d’arrache-pied pour réaliser ce projet fou : à l’écriture du texte Mélissa Cardona ; à la conception musicale Kevin Houle ; à la mise en scène Benoit Landry ; assistante à la mise en scène Marie-Hélène Dufort & à la conception des chorégraphies Alex Francoeur. Des professionnel.le.s du métier qui n’en sont pas à leur coup d’essai.
La pièce n’ai pas une rétrospective de la vie de Marie Frances Van Schaack (alias Lili St Cyr), mais fait état de son arrivée à Montréal et de l’impact qu’elle eut sur la ville et les citoyen.ne.s. Nous sommes dans les années 40 et la Prohibition est en pleine essor aux USA. Montréal devient rapidement un havre de liberté où les gens afflux de tous horizons pour s’encanailler, boire de l’alcool, jouer aux jeux d’argent et admirer les spectacles de danseuses. La carrière de l’artiste Lili St Cyr est au beau fixe, et 2 propriétaires de clubs montréalais se battent pour signer un contrat d’exclusivité avec la danseuse. C’est le Théâtre Gayety qui reportera la précieuse signature.
Au même moment, Jessie Kathleen Fisher, première femme à siéger au conseil de ville en 1940, mène une campagne acharnée contre le vice qui s’installe peu à peu dans Montréal. Son cheval de bataille le quartier Red Light et les bars de danseuses. Sa propre fille, la chanteuse de talent mais pour lors inconnue Sophie, travaille et est justement la femme du gérant du Gayety. Une trame posée complexe permettant des situations intéressantes pour l’intrigue et les personnages. Sans oublier que Lili St Cyr fini par tomber folle amoureuse de Jimmy Orlando, l’ancien joueur de hockey des Red Wings de Détroit, qui est également le gérant du cabaret montréalais El Morocco, concurrent direct du Gayety.
Plus qu’une histoire d’amour et de scandales, c’est une vision de l’époque qui est offerte au public, à forte portée féministe. Les 3 personnages féminins permettent une lecture des difficultés et des combats portés par les femmes dans les années 40. Lili St Cyr est rebelle, sans concession, dure même (son enfance en est la raison), faisant passer ses désirs et sa carrière en priorité. Elle défie les codes et les conventions. Elle boit, elle porte des pantalons, sa sexualité est libre et assumée, elle semble contrôler les gens et le monde autour d’elle. Mais elle possède également de grandes douleurs. Dépendante affective, elle tombe amoureuse et s’accroche aux hommes avec l’énergie du désespoir, s’enfermant dans des relations toxiques où elle se détruit petit à petit.
Sophie est la femme mariée bien sous tout rapport, qui obéit à son époux, à se parents et à la pression sociale. Pourtant sous ses airs de femme parfaite, brûle un feu intense. Elle rêve de devenir une grande chanteuse tenant le haut de l’affiche. Et lorsque qu’elle sera trahie par les siens, se révèlera enfin et osera briser les barrières pour vivre son rêve. Elle assumera la femme forte, intense, sublime, passionnée et sauvage qui sommeillait en elle.
Et il y a Jessie Kathleen Fisher. Femme forte de convictions, coincée dans une époque restrictive pour les femmes et la pensée. Elle est tiraillée entre son désir d’émancipation pour toutes les femmes et la bienséance qui prône en son temps. Première femme a obtenir un poste important dans l’univers politique de Montréal, elle veut protéger ses concitoyen.ne.s et apporter un souffle nouveau pour les femmes. Mais pour cela, elle sait qu’elle doit la jouer finement car elle est constamment agressée et rabaissée par les hommes du fait qu’elle est une femme.
Les parties musicales sont très appréciables. On oscille entre le style cabaret, jazz, rock, blues et gospel. L’intégralité du spectacle est en français. Les chansons sont dans un style québécois soutenus, alors que le jeu des acteur.rice.s s’amuse avec un parler plus provincial. Le texte est débité rapidement et avec trop d’intensité lors du premier acte, dû très probablement au tract des artistes, ce qui rend parfois la compréhension difficile. Mais une fois mis dans la bain, la tension redescend et les acteur.rice.s prennent enfin leur temps, apprécient être sur scène et vivent la pièce.
Une tension puis un relâchement que l’on ressent également dans l’exécution des chorégraphies. De beaux ensembles et duos créés d’une main de maître par Alex Francoeur. Ajouté à une scénographie simple et efficace de Marilène Bastien ; de sublimes lumières d’une précision chirurgicale de la part de Martin Sirois & Béatrice Germain ; l’ensemble nous donne des tableaux magnifiques. Le visuel est sublimé par les costumes ô combien merveilleux de Sylvain Genois &Virginie Bachand. Il est à noter le travail de fourmi et les heures de répétitions pour les artistes scéniques. 6 sur scène, sans stage manager ou technicien.ne.s pour leur venir en aide, c’est avec minutie qu’il.elle.s s’occupent des changements, nombreux, de décors et interprètent tous les personnages annexes (client.e.s, journalistes, foule,…). Pas une fausse note, pas un faux pas.
Marie-Pier Labrecque qui interprète le rôle-titre, Lili St Cyr, offre un jeu nuancé à partir de la deuxième partie de la pièce. Elle dévoile enfin la vulnérabilité et différents aspects du personnage, ce qui lui donne plus de dimensions et de l’humanité. Exécutant les chorégraphies avec justesse, sa raideur dénote avec le personnage. Elle gagnera à lâcher prise dans son jeu, pour une plus grande souplesse d’expression et de corps. De même, plus de « chien » et de fougue, propre à la femme dont elle rend hommage sur scène, peaufinerai son interprétation. Cela dit, sa ressemblance physique avec Lili St Cyr est agréable. Actrice, chanteuse et danseuse, elle est un très bon choix de casting pour ce rôle.
Lunou Zucchini est également un choix parfait pour le personnage de Sophie. Sa palette de jeu est variée et juste, et surtout, elle dispose d’une voix magnifique. Au moment de l’émancipation de son personnage, elle révèle tout son potentiel de femme forte, assumée et charnelle.
Mais le bijou du trio féminin de cette création originale est Kathleen Fortin. D’une grande justesse dans son jeu de comédienne, elle apporte une belle humanité dans ce personnage tiraillée. Juste dans son jeu d’actrice, juste dans ses prestations musicales, c’est une grande artiste qui offre une belle performance.
Coup de cœur du public, Roger La Rue explose sur scène. Interprétant différents personnages secondaires, il fait mouche à chaque apparition. Il incarne le coté comique de la pièce, sans lourdeur, et apporte une bouffée d’air frais. Juste également, il est généreux sur scène, donne au public et à ses partenaires de jeu, sans pour autant tirer la couverture.
Une première présentation publique réussi. Un beau spectacle avec de très nombreux points à saluer : l’originalité du sujet, les différents points de vue traités, les compositions musicales, chorégraphiques, scéniques & visuelles, le jeu des artistes, et surtout le travail acharné en amont pour un résultat précis et soigné. Très étrange cependant, la pièce se termine de façon abrupte. Il manque une scène de fin afin de clore les différentes pistes amenées au cours de l’histoire. Un épilogue permettrait de connaitre la continuité du destin de chaque personnage après cet épisode de leur vie.
Le public présent était majoritairement composé des proches de l’équipe de Lili St Cyr – Théâtre Musical. La représentation fût un succès mérité. Avec plus de détente et « d’épices » dans le jeu des comédien.ne.s pour les représentations à venir, ce spectacle deviendra une pépite. Il n’est, à n’en pas douté, que cette création à de beaux jours devant elle ; et on ne peut que leur souhaiter une belle tournée et de nombreuses représentations à travers le Québec.
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