Une nouvelle ère prometteuse pour le genre de l’épouvante
Par : Marie-Claude Lessard
Après que le réalisateur Fede Alvarez l’ait présenté au Festival Fantasia il y a quelques semaines, voilà que Ne respire pas aboutit enfin en salle au plus grand bonheur des cinéphiles raffolant des films d’horreur dévoilant un suspense finement ficelé. Même s’il prend l’affiche alors que la saison estivale s’achève, période où sortent habituellement les pires propositions d’épouvante, la plus récente oeuvre d’Alvarez parvient à se démarquer en offrant les revirements les plus originaux des dernières années.
En braquant sa caméra sur trois amis, Rocky (Jane Levy), Alex (Dylan Minnette) et Money (Daniel Zovatto), qui commettent des invasions de domicile pour amasser assez d’argent afin de se trémousser sur les plages de la Californie, le réalisateur derrière le positivement terrifiant remake de Evil Dead an 2013 sert un feu roulant de rebondissements tous plus surprenants les uns que les autres qui fera sursauter les spectateurs à un rythme constant. Lorsque la bande s’immisce dans la maison d’un aveugle (Stephen Lang) pour lui voler plus de 300 000 $, ce qui semblait être le coup du siècle se transforme rapidement en un cauchemar. Les 90 minutes qui relatent cette épouvantable nuit passent à une vitesse folle. En plus d’introduire habilement les personnalités et motivations de chaque membre du trio principal, la mise en situation, concise et efficace, plonge immédiatement le public dans une atmosphère délicieusement inquiétante et mystérieuse qui ne s’évaporera jamais.
Le scénario d’Alvarez et Rodo Sayagues évite les intrigues grotesques qui enclenchent le rire plutôt que la peur. Bien que la trame narrative comprend plusieurs techniques de manipulation éculées (le méchant qui se retrouve derrière la demoiselle en détresse, un revolver qui se retrouve à proximité du bon et de l’ennemi qu’il faut éliminer…), celles-ci s’avèrent utilisées avec un tel doigté et un dosage intelligent qu’elles parviennent à embobiner- et stresser- le plus sceptique et sévère des spectateurs. Les tensions insoutenables qu’expérimentent les personnages s’illustrent à travers d’images percutantes d’une violence justifiée. L’hémoglobine ne coule pas à outrance dans le simple but de choquer et dégoûter. L’intensité et la brutalité de l’histoire s’affichent dans une réalisation judicieuse, un montage captivant et une direction photo lugubre à souhait. Tous ces éléments transportent les spectateurs dans un état de frénésie, spécialement lors de la scène dans laquelle les protagonistes tentent de s’échapper de la demeure dans une noirceur totale. Le fait que les personnages se retrouvent dans une situation dangereuse, car ils désobéissent à la loi apporte une autre dimension morale très intéressante. Est-ce que le public doit obligatoirement prendre parti pour rester accroché jusqu’à la fin?
Bien que le scénario commande aux acteurs de raconter une histoire de survie se déroulant en dedans de quelques heures qui accorde peu de place au développement psychologique des personnages, l’ensemble de la distribution réussit à offrir des prestations crédibles et à alimenter le climat de terreur et d’urgence. Dans le rôle de l’aveugle, Stephen Lang, avec sa voix grave et ses yeux révulsés, sème à merveille la trouille. Même si les actions posées par l’homme auraient gagné à être plus explicitées et étoffées, il a bien cerné la complexité du rôle. Campant une mère monoparentale qui aspire à des jours meilleurs, Jane Levy démontre une belle puissance teintée d’une vulnérabilité à laquelle il est aisé de s’identifier. Ayant hérité de la partition la plus faire-valoir, soit celle du jeune homme timide qui initie des vols (la prémisse du récit) pour conquérir la femme qu’il aime, Dylan Minnette propose un jeu correct mais pas mémorable.
Bref, Ne respire pas, comme l’ont fait récemment It follows, The VVitch, The conjuring 2, Lights Out et Green Room, incarne un vent de fraîcheur dans le genre de l’horreur puisqu’il bénéficie d’un scénario intriguant qui pousse l’art de faire peur à un niveau plus sauvage, incisif et audacieux que ce qu’Hollywood nous crache bêtement depuis plus de 10 ans.
Note : 3.5/5