Délation, trahison ou dénonciation sont-ils synonymes d’amitié?
Par Sébastien Bouthillier
Pendant que le Québec se mobilise contre la violence sexuelle impunément subie par les femmes, Duceppe lève le rideau sur la banalisation de l’acte irréparable en présentant Nos femmes.
Dans son luxueux appartement avec vue sur le centre-ville et la montagne, Max (Sylvain Marcel) reçoit ses amis pour leur partie de cartes hebdomadaire. Chums depuis trente ans, leur confiance et leur loyauté seront acculées à la limite par Simon (David Savard). Hagard, il arrive en retard et déclare à ses compères que son épouse vient de mourir, étranglée de ses mains.
Alors que Paul (Guy Jodoin) hésite à accéder à la demande de Simon en lui fournissant un alibi au nom de l’amitié, Max défend l’idée que le crime doit être dénoncé. Ils se disputeront pour déterminer jusqu’où ils peuvent se compromettre pour défendre leur ami en commençant par se demander si son épouse méritait son sort.
Sauf pour Max, assommé par l’alcool et les tranquillisants, s’étire une nuit blanche où les vieux copains remettent leur vie en question, se comparent et se jalousent. Chacun vit des problèmes de couple, mais tous préservent les apparences à la hauteur de ce qu’ils estiment être celles de leur statut social.
Loin des principes moraux, c’est une question d’amour propre qui incitera Paul a condamner le geste de son ami, qui a pourtant rappelé à Max que « c’est Simon, quand même! Juste te rappeler que c’est Simon! Pas le voisin d’en face! On le connaît depuis un boutte. Ça mérite qu’on réfléchisse. On peut pas fixer son sort en deux temps trois mouvements! »
Le metteur en scène Michel Poirier a rassemblés trois acteurs doués pour la sensibilité de leur jeu, car ils jouent une pièce particulièrement exigeante : ils vivront la pire nuit de leur vie en exprimant toutes la gamme des émotions masculines, surtout celles que les hommes taisent publiquement.
D’ailleurs, l’adaptation par Monique Duceppe de cette pièce du Français Éric Assous renverse la comédie dramatique originale en drame comique. « C’est vu de l’extérieur que la situation est comique. J’ai dit aux acteurs de ne jamais, jamais, avoir la volonté de faire rire», explique la femme de théâtre. Confronté à une situation inédite qui dépasse tout ce qu’ils ont vécu dans leur existence, les amis posent des gestes saugrenus ou affirment des choses incohérentes provoquant le rire du public.
Nos femmes brisent le silence sur la difficulté de vivre éprouvée par l’homme, sa solitude malgré les apparences de la réussite. En dépit de leur longue amitié, ces hommes-là demeurent inconnus de leurs amis de toujours.
Nos femmes, chez Duceppe jusqu’au 3 décembre.
Texte révisé par : Marie-Claude Lessard