Quand l’esthétisme du théâtre rencontre le gore de Francis Bacon
Par : Luc Lecavalier
La curiosité était palpable pour cette première représentation du nouveau chef-d’œuvre du dramaturge et metteur en scène de renom Larry Tremblay et de la metteuse en scène et directrice générale de l’Usine C, Angela Konrad. Avec une présentation d’une heure et vingt minutes, deux acteurs et une description assez élémentaire de cette adaptation libre de la vie du peintre Francis Bacon, devait-on s’attendre à être surpris? Choqué? Émerveillé?
Adaptée du roman du même nom, paru en 2021, force est d’admettre que les deux metteurs en scène livrent une œuvre à la fois sensible, spectaculaire et saisissante. On raconte l’histoire de Bacon et l’inspiration derrière ses œuvres d’art en trois panneaux pliables, des Triptyques. Ces travaux, qui le rendront célèbre, sont toutefois le reflet d’un homme troublé.
Troublé par son enfance difficile, emprisonné par un père qui le répugnait et le violentait pour son homosexualité; troublé par le viol qu’il subit à l’âge de 14 ans, un impact tel sur sa sexualité qui le poussera à la prostitution à l’adolescence. Troublé par les deux Guerres mondiales et surtout par sa relation tumultueuse qu’il entretenait avec son amant et modèle, George Dyer. Ces évènements auront une portée considérable sur sa personne, son besoin de violence et son goût pour l’odeur du sang. Ironiquement, ses troubles seront la source même de ses œuvres marquées par la tragédie et la cruauté qui feront sa renommée. Une inspiration toxique.
Larry Tremblay et Angela Konrad, de même que les comédiens Samuël Côté et Benoît McGinnis – impérial dans le rôle de Francis Bacon – livrent une pièce qui, bien que spectaculaire et romancée, saisit chaque détail des épisodes de la vie de Bacon avec un réalisme perturbant. Les effets sonores et visuels, riches et dosés, comme le bruit d’une bombe qui atterrit pour couper les scènes (de quoi garder éveillé!) donnent vie à un décor sobre, dont les comédiens tirent pleinement avantage.
Il s’agit d’une œuvre originale et surprenante qui vaut le détour à coups sûrs. La pièce sera présentée jusqu’au 16 septembre, à l’Usine C, vous pouvez visiter leur site web pour plus d’informations.