De Macbeth à La divine illusion
Crédit photo : gracieuseté TNM
Par Sébastien Bouthillier
L’offre théâtrale foisonnante à Montréal nous a permis d’assister à plusieurs pièces l’automne dernier. Voici les trois pièces qui nous ont fait vivre de très belles sorties et qui resteront gravées dans notre mémoire.
À l’affiche au Théâtre du Nouveau Monde, La divine illusion a été la meilleure pièce à laquelle Mattv.ca a assisté l’an dernier.
«Une gifle à nos certitudes.» Le metteur en scène Serge Denoncourt annonçait en ces termes la pièce dans le programme, car il ne s’agissait pas d’une simple sortie au théâtre où, bien calé dans son siège, le spectateur observerait l’action.
Même s’il nous situe en 1905 lors de la visite de Sarah Bernhardt à Québec, les thèmes que l’auteur Michel Marc Bouchard aborde ont traversé le siècle. La condition humaine n’a pas d’âge, le décalage entre les époques nous renvoie le reflet d’aujourd’hui de façon plus percutante.
L’archevêque de Québec veut interdire la représentation de la diva Bernhardt (Anne-Marie Cadieux) dans la Vieille capitale. Michaud (Simon Beaulé-Bulman), un séminariste épris de théâtre, doit remettre l’interdit à l’actrice qu’il admire. Mais Talbot (Mikhaïl Ahooja), le compagnon impromptu de Michaud, l’accompagnera au théâtre et jusque dans la basse ville.
Crédit photo : Vivien Gaumand
C’est sur des airs punk-rock que Macbeth a résonné à l’Usine C.
Angela Konrad a actualisé le théâtre de Shakespeare qu’elle a décapé pour en transposer l’essentiel dans la société de consommation moderne. Rock, heavy métal ou grunge, les extraits musicaux ont dicté le ton des répliques. Froides comme la nuit. Métalliques comme le poignard. Acerbes comme le mépris des Macbeth.
Dans la petite salle de l’Usine C, les sorcières dansaient dès l’entrée du public. La musique et la projection sur le mur d’images géantes des comédiens qui continuent à jouer en coulisse complétaient le dépouillement de la mise en scène. L’ancienne vocation industrielle du lieu suggérait l’ambiance lugubre du château des Macbeth.
Le roi Duncan confère un titre de noblesse à Macbeth (Philippe Cousineau), son chef des armées, en reconnaissance de son courage à la guerre. Sur le chemin du retour en Écosse après les batailles de Norvège, Macbeth croise trois sorcières – ou sorciers, car des hommes les incarnent sarcastiquement (Alain Fournier, Gaétan Nadeau et Olivier Turcotte).
Crédit photo : Frédérique Ménard-Aubin
Présentée au Théâtre Denise-Pelletier a pris la forme d’une anti-pièce.
Le public rit. Mais La Cantatrice chauve n’est pas drôle. C’est une pièce étrange, qui n’a pas un début, ni un milieu, ni une fin. Les personnages parlent entre eux sans dialoguer. Cette pièce sur l’étrangeté écrite par Eugène Ionesco en 1950 révèle l’absurdité de l’existence. Les spectateurs constatent que la vie est dépourvue de sens.
Après souper, M. et Mme Smith (Pierre Limoges et Ansie St-Martin) nous apprennent le décès de Bobby Watson. Toutes les confusions possibles surviennent alors parce que leurs connaissances s’appellent Bobby Watson de père en fils et de mère en fille.
Ionesco illustre l’absurdité du monde en décortiquant le langage, en séparant le lien entre le sens des mots et les choses qu’ils désignent. « Un médecin consciencieux doit mourir avec le malade s’ils ne peuvent guérir ensemble. Le commandant d’un bateau périt avec le bateau, dans les vagues. Il ne lui survit pas », met-il dans la bouche de M. Smith.
Hiver et printemps 2016
L’hiver 2016 promet de nous réchauffer : la talentueuse Sophie Cadieux récitera la pièce morbide 4.48 Psychose au théâtre La Chapelle du 27 janvier au 6 février. Puis, le 27 février, de 21h à minuit Bouge Anyway occupera l’Agora de la danse : une «dance battle» où s’affrontent deux par deux les meilleurs danseurs urbains et contemporains.
Robert Lepage revient à Montréal ce printemps pour deux spectacles. Dans Quills, présenté à l’Usine C du 16 mars au 9 avril, Lepage incarnera l’iconoclaste marquis de Sade. Ensuite au TNM dans 887, du 26 avril au 28 mai, Lepage mettra en scène et interprétera la pièce qu’il a écrite à propos d’un adolescent des années 60 à Québec alors que la Révolution tranquille permettait tous les espoirs.