Chiennes dans un bain de sang
© Charles Fleury
Par Sébastien Bouthillier
Titus Andronicus de Shakespeare relu, adapté et mis en scène par Édith Patenaude devient Titus. Les femmes jouent les hommes et les hommes incarnent les femmes sans travestissement ni maquillage ou accessoires. Elles portent des espadrilles, parlent et sacrent en québécois, mangent des pogos infects.
Ces femmes chiennes se noieront dans le bain de sang qu’elles emplissent de leurs propres veines. Quand l’ordre n’existe pas encore, il faut l’établir par la force, ce qui précipite dans un tourbillon de vengeance Titus et Camora, reine des Goths, prisonnière des Romains avec ses trois fils. Qui, parmi les deux fils de Titus, lui succédera à la tête de l’empire?
Les personnages exacerbent leurs émotions jusqu’à éviscérer leurs ennemis dans une mise en scène fidèle au théâtre élizabethain.
En effet, les personnages ne quittent jamais la scène, car il n’y a pas de coulisse ; ils s’assoient à chaque extrémité. Comme si deux équipes sportives s’affrontaient, les Romains occupent une rangée de chaises et les Goths, la rangée vis-à-vis. Au centre, ils se jettent dans la mêlée.
Quelques personnages s’adressent au public à travers un micro, de même qu’ils lui indiquent le rôle qu’ils jouent. Ils dansent, chantent et percutent des tambours également dans cette adaptation réussie de la pièce de 1594 à la contemporanéité du 21e siècle politiquement déjanté. Bref, le spectateur trouve ses repères sans perdre ceux du barde anglais.
L’entrelacement de vengeance et de cruauté, de violence et de haine confirme le cynisme ou suscite l’indifférence stoïque pendant que l’hymne Amazing Grace est entonné. «Vous êtes pas tannés des choses lisses et digérées? De savoir ce qui va arriver?» demande Patenaude.
Titus, au théâtre Prospero jusqu’au 24 février.
Crédit photo : Charles Fleury
Texte révisé par : Cloé Lavoie