Une tempête trop calme…
©Screen Gems
Par : Marie-Claude Lessard
Grâce aux troublants Blue Valentine en 2010 et à The place beyond the pines en 2012, Derek Cianfrance est parvenu à imposer sa signature dans le paysage cinématographique. Son dernier film en lice, The light between the oceans, à l’affiche en version originale anglaise dès aujourd’hui, attire donc la curiosité de bien des cinéphiles, spécialement car il possède tous les critères pour aspirer à des nominations dans de prestigieux galas : une date de sortie stratégique, des acteurs extraordinaires souvent nommés, un réalisateur à l’évolution prometteuse et une histoire déchirante campée dans un contexte historique tragique. Hélas, l’adaptation du best-seller de M.L Stedman laisse quelque peu de glace.
Tom Sherbourne (Michael Fassbender) revient en Australie complètement traumatisé par les atrocités qu’il a vécues lors de la Première Guerre mondiale. Ayant cruellement besoin de tranquillité dans son existence, il accepte un poste de gardien de phare sur l’île de Janus. Sa rencontre avec la pétillante Isabel Graysmark (Alicia Vikander) lui apporte un regain d’espoir et de luminosité… qui se terne quelques temps après leur mariage à cause d’une fausse couche. Une seconde survient deux ans après. Alors que tout semble perdu pour le couple, une barque flotte sur l’océan ayant comme passagers un homme mort et un bébé apeuré. Isabel convainc Tom de ne pas rapporter l’incident et de s’occuper de l’enfant désormais orphelin. Malheureusement pour eux, Hannah Roennfeldt (Rachel Weisz), la mère de la jeune Lucy (Florence Clery), apparaît cinq ans plus tard…
D’entrée de jeu, la direction de la photographie d’Adam Arkapaw (derrière celle de Macbeth et du très attendu Asssasin’s Creed) séduit par ses couleurs terreuses et une lumière naturelle enveloppante qui rehausse la vitalité des mouvements de l’eau et du vent. Dans ce décor enchanteur grandit la complicité inspirante entre Michael Fassbender et Alicia Vikander, qui sont tombés amoureux sur le plateau de tournage. Lors de la première heure, il est aisé de s’attacher aux joies et aux malheurs d’Isabel et de Tom. Cianfrance introduit la rage de vivre de ces êtres résilients élégamment et lentement, et cela fonctionne à merveille puisque certaines intrigues voient ainsi leur portée dramatique davantage renforcée. Cela donne lieu à deux scènes particulièrement percutantes entourant les dévastatrices fausses couches d’Isabel.
Or, le dernier acte du récit, qui comporte des rebondissements se voulant larmoyants, traîne en longueur et, étrangement, ne réussit pas à transmettre les émotions escomptées. La trame sonore signée Alexandre Desplat appuie exagérément les moments mélodramatiques. Inexplicablement, même si les dilemmes moraux véhiculés dans le récit intriguent, les répercussions des gestes posés par les personnages ne suscitent pas d’empathie chez le spectateur. Difficile de savoir si ce n’est pas un choix volontaire de la part de Derek Cianfrance… Il faut dire que les enjeux présentés suscitent des opinions contradictoires. Si on n’approuve pas la décision de Tom et Isabel, est-ce qu’on peut tout de même trouver cela injuste que Lucy doive les quitter? Qui sont véritablement les vrais parents de la fillette? Malgré ces questionnements, les crises et les énormes sanglots, le tout se déroule dans une facture visuelle mystérieusement froide et hermétique qui empêchent aux comédiens d’éclore pleinement. Et pourtant… Le regard de Fassbender traduit avec une justesse désarmante la culpabilité de Tom et son amour viscéral pour Isabel. Il s’agit d’un énième tour de force de l’acteur puisque le personnage, réservé et tout en retenu, détonne des partitions colériques qui ont forgé sa réputation. Alicia Vikander insuffle un sourire charmeur, des yeux espiègles et un fort caractère à son rôle. Rachel Weisz, rarement mauvaise, incarne parfaitement le désarroi.
Ni médiocre ni mémorable, Une vie entre deux océans, présenté avec des sous-titres français au Cinéma du Parc, ne se distingue pas de la pléiade de mélodrames d’époque. Les têtes d’affiches offrent des prestations crédibles et les paysages dépeints dans l’oeuvre renversent, mais les émotions n’émanent pas avec l’intensité recherchée. Peut-être que les attentes étaient trop élevées…
Note: 3/5
Texte révisé par : Cloé Lavoie