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Votez Bougon : Oh que si !

Une satire politique autant décapante que perturbante

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©Remstar Films

Par : Marie-Claude Lessard

Louis Morissette a ardemment insisté auprès de François Avard et Jean-Francois Mercier pour qu’ils écrivent ensemble un scénario cinématographique sur le clan Bougon, et on le remercie grandement, car Votez Bougon, à l’affiche dès le 16 décembre, s’avère être une comédie cinglante qui provoque une succession de rires jaunes tant son discours politique reflète avec éclat la triste réalité d’aujourd’hui.

Les fans de la première heure retrouvent donc avec bonheur leur famille irrévérencieuse favorite 10 ans après la fin de la saison finale. Elle a, fort heureusement, conservé son délicieux côté mordant et son audace qui fait à la fois jubiler et grincer des dents. Les scénaristes osent encore plus que dans la série (oui, c’est possible !). Le quotidien des personnages n’a pas réellement changé. Junior (Antoine Bertrand) est toujours à la recherche de la perle rare. Maintenant femme d’affaire, Dolorès (Hélène Bourgeois-Leclerc) possède sa propre chaîne de télé érotique. Mononcle Fred (Claude Laroche), croyant faire sa part dans l’avancement du progrès médical, teste des produits pharmaceutiques malgré des conséquences désastreuses. Maman Bougon (Louison Danis) se sent négligée par son mari Paul (Rémy Girard) qui, lui, en a plein les bras depuis qu’il a critiqué le gouvernement à l’émission La Grande Messe (truculent pastiche de Tout le monde en parle rondement mené par Serge Denoncourt). Flairant une opportunité en or de crosser le système, Paul lance son propre parti, le PEN (le Parti de l’écœurement national), et se fait éventuellement rattraper à son propre jeu.

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Bien que le film constitue un prolongement de la série culte, nul besoin de regarder cette dernière pour bien comprendre les enjeux dépeints. La grande force de Votez Bougon réside dans le traitement sans complaisance qu’il accorde à l’univers politique. Sous la plume aiguisée du trio d’auteurs, la corruption, la collusion, les mensonges et les manipulations sordides en prennent pour leur rhume. Au diable la censure, la vérité s’étale au grand jour ! L’œuvre tourne au ridicule les contradictions du public québécois (vouloir du changement, mais élire le même parti deux mandats de suite) et ça fait du bien. Cette franchise désarmante dont la finalité se résume à « On a les décideurs qu’on mérite » risquera de choquer plusieurs, mais elle est nécessaire.

L’ascension fulgurante de Paul expose brillamment la situation actuelle, ce qui déclenche autant des rires francs que des réactions teintées de malaises. Les pancartes électorales criblées de fautes (Vardun, Brome-n’importe quoi au lieu de Verdun et Brome-Missisquoi) et les bandes défilantes lors de bulletins de nouvelles regorgent de bijoux. Soyez attentifs, ces perles sont subtiles, mais valent à elles seules plus d’un visionnement.

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Ceci dit, la trame narrative n’échappe pas à certaines conventions. Elle ne réserve aucune surprise. La prévisibilité de la conclusion déçoit, mais en même temps, la question est légitime : est-ce que l’œuvre pouvait se terminer autrement ? Probablement pas.

Fidèles à eux-mêmes, Avard, Mercier et Morissette incorporent des blagues impertinemment vulgaires entre deux répliques assassines construites intelligemment et avec vivacité. Dolorès qui échappe ses boules chinoises, c’est une ou deux, peut-être même trois, mais pas plus. La répétition de certains gags devient rapidement lassante. Idem pour les pointes gratuites sur le physique de Rita (Louison Danis) et les réflexions simplistes sur les relations entre les hommes et les femmes. Qu’elles indignent les uns ou réjouissent les autres, cela n’enlève rien au fait qu’elles soient clichées et dépassées. Certes, elles correspondent aux valeurs et à l’éducation des personnages, mais un dosage plus serré aurait été de mise. Fort heureusement, elles ne font pas trop de l’ombre aux blagues surprenantes et croustillantes.

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Tous les acteurs offrent des performances fort crédibles, même ceux qui ont des partitions plus effacées. Il n’y a aucune différence marquée dans le jeu entre la série et le film, les comédiens insufflant la même énergie et folie à leur personnage. Mention spéciale à Rémy Girard et Louison Danis qui campent à merveille la vulnérabilité de ce couple solide comme le roc. La courte, mais farouchement efficace scène entre Paul et sa fille Mao (Laurence Barrette) touche droit au cœur.

Bref, puisque Votez Bougon comprend plus de bons arguments que de mauvais, allez le voir sans hésiter !

Note : 3.5/5

Texte révisé par : Ho-Chi Tsui