Le théâtre de l’intelligence artificielle
© Anne-Marie Baribeau
Par : Sébastien Bouthillier
L’intelligence artificielle se substitue aux capacités cognitives humaines. Si l’homme et la femme sont doués d’intelligence capable d’abstraire le réel pour le penser et lui prodiguer une signification dans leur existence, qu’en est-il d’une application technologique encastrée sous la coque des téléphones d’Apple? Attention, contient des pépins!
Tout de même, le metteur en scène Maxime Carbonneau essaie de répondre à la question en accordant la réplique à Siri, l’assistante personnelle dont la version la plus récente date de décembre dernier. Le logiciel se travestit en Siri grâce à la voix féminine dont cette application est dotée. Cette forme d’intelligence artificielle devient comédienne, interlocutrice de l’actrice Laurence Dauphinais.
Le spectateur se demande comment un algorithme savamment programmé – par le génie humain – comblera l’impression de vide existentiel et la solitude qui accable le citadin contemporain. Surtout celui qui clavarde jusqu’à la dépendance… affective. Puisque Siri est programmée pour se reprogrammer, adapter ses réponses selon les précédentes questions et réponses fournies par son interlocutrice, des segments de la pièce pourront être improvisés, donc différents d’une représentation à l’autre.
Il semble difficile à concevoir que les sentiments ou émotions de Siri transpirent l’authenticité, malgré la spontanéité de sa repartie. Elle serait programmée pour paraître sincère sans capacité d’éprouver cette émotion humaine. Pour confondre Siri et débusquer son algorithme, la comédienne rivalise d’humour avec elle. En effet, l’humour est ancré dans le contexte réel et intervertit les acceptions de la langue, alors que la machine ne connaît que le calcul binaire.
Mais vis-à-vis de l’omniscience présumée de Siri, ou de ses réponses irréfragables, la patience est de rigueur. Anthropocentriste, notre existence dépend des machines qui nous entourent et que nous affublons de formes humaines, ce qui nous renvoie à notre propre solitude.
Créée en 2015 au OFFTA, le laboratoire expérimental en marge du Festival TransAmérique, Siri a été rejouée trois soirs seulement à ce festival l’été dernier. Laurence Dauphinais revient avec elle sur scène pour deux semaines cet hiver. Et si on confrontait cette intelligence aux questions existentielles kantiennes : Que puis-je savoir? Que dois-je faire? Que m’est-il permis d’espérer?
Siri, à la salle Jean-Claude Germain du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui jusqu’au 4 février.
Crédit photo de couverture : Julie Artacho
Texte corrigé par : Annie Simard