Tous sous le charme de Big Boy
©Serge Cloutier/MatTv.ca
Par : Marie-Claude Lessard
C’est immanquable; au moment où Charlotte Cardin annonce qu’elle foulera une scène montréalaise, le spectacle affiche complet en une fraction de seconde. Le retentissant succès que connaît actuellement l’ancienne finaliste de La Voix s’attribue en très grande partie à la transformation de cette expérience en un tremplin lui permettant d’explorer son véritable style plutôt qu’en une incursion anonyme dans un moule préétabli. C’est d’ailleurs pourquoi son passage à Montréal en Lumière le 9 mars dernier au Club Soda a autant suscité l’attention. L’univers planant et sensuel de la jeune femme de 22 ans séduit dès la première note et constitue un incontournable dans le paysage musical québécois et international.
L’équipe de Charlotte Cardin a vu juste en demandant à Aliocha d’assurer la première partie puisque son son pop/folk/rock se marie à merveille à celui de la star. Comédien bien connu des adolescents grâce au Journal d’Aurélie Laflamme, Aliocha Schneider a joliment ouvert la soirée en dévoilant les pièces de Sorry Eyes, son EP sorti en septembre 2016. L’influence de Bob Dylan s’est instantanément fait ressentir, autant dans la voix du chanteur que dans les arrangements. Évidemment, une touche moderne a été ajoutée afin qu’Aliocha propose une signature qui lui est propre. Sympathique et drôle, il a affiché une belle aisance scénique. Malheureusement, le public en avait que pour Charlotte. Tout au long du spectacle, il bavardait bruyamment et criait son appréciation seulement lors de solos musicaux. Cette attitude à la limite de l’irrespect a particulièrement nui au band lors de la livraison de ballades dont la superbe Flash in the Pan.
Évidemment, les spectateurs ont réservé un accueil plus que chaleureux à Charlotte qui, tout de noir vêtue, est apparue sur scène en entonnant la pièce cachée contenue dans l’EP Big Boy. Déambulant à travers trois écrans géants, elle a lentement pris place à l’arrière de son piano surplombé d’un écriteau lumineux. La chanteuse a reçu avec modestie l’amour du public, essayant en vain de taire les ovations et hurlements. Le spectacle a été présenté dans la catégorie Plein feux sur la relève, mais l’ambiance survoltée dans la salle a confirmé que Charlotte Cardin ne fait déjà plus partie de cette section.
Venue présenter de son propre aveu 99,9 % de son répertoire, dont plusieurs pièces pas encore sorties, l’attachante mannequin a d’abord été déstabilisée par les gens chantant haut et fort sans la moindre hésitation les paroles de la magnifique Les Échardes, deuxième chanson du concert, car il s’agissait d’une première selon elle depuis le commencement de sa tournée. Le public n’a pas manqué d’enthousiasme lorsque le rappeur Husser a rajouté son grain de sel dans Like it doesn’t hurt, même s’il a quitté la scène d’une manière plutôt bizarre. Idem lorsque Aliocha est remonté sur les planches pour interpréter le titre country Why qu’il a composé avec Charlotte sur la route.
Les mélodies jazz invitent à la séduction, mais puisque judicieusement ponctuées de percussions et de cuivres, elles mettent parfaitement en lumière le désespoir et la mélancolie se dégageant des textes débordant de vérité sur les ruptures, les échecs et les désirs amoureux. La foule hétéroclite en redemandait. Agités sur les chansons du EP dont la sublime Dirty Dirty qui a clôturé le spectacle, les mélomanes ont fait preuve d’une prodigieuse écoute lors des morceaux exclusifs (qui devraient bientôt être disponibles sur disque et en vente numérique, car la chanteuse est rentrée en studio en octobre dernier). On aurait littéralement pu entendre une mouche voler. Il faut dire que la voix douce et empreinte d’émotions de Charlotte incite au calme et à l’introspection. La voir œuvrer sur son clavier était tout simplement un délice.
Parfaitement en contrôle de ses moyens et de son talent infini, Charlotte Cardin a offert une expérience scénique envoûtante et revigorante qu’il fera plaisir de renouveler ou découvrir lors du Festival International de Jazz de Montréal au Métropolis le 30 juin et le 2 juillet.
Crédit photo : © Serge Cloutier/ MatTv.ca
Texte révisé par : Annie Simard