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La Bolduc : mère avant tout

Une fresque sociale pertinente

bolduc1©Les Films Séville

Par : Marie-Claude Lessard

Au Québec, les drames historiques et biographiques occupent une place de choix dans le cœur des spectateurs.  C’est pourquoi le projet cinématographique mettant en vedette le personnage de La Bolduc a tant fait couler d’encre positivement depuis quelques années, et que le résultat final engendre présentement un engouement monstre. Si l’accumulation de plus d’1,3 million de dollars au box-office en moins d’une semaine d’exploitation en salle confirme le succès commercial, les indéniables qualités esthétiques et scénaristiques de l’oeuvre font également de ce film réalisé avec soin et fougue par François Bouvier une véritable réussite ô combien pertinente.

Au cours des années 30, considérée malgré elle comme la première vedette de la chanson québécoise, Mary Rose Anna Travers (fabuleuse Debbie Lynch-White) a prolongé sa passion de la musique et de la turlute dans le principal but de subvenir aux besoins de son mari Édouard (touchant Émile Proulx-Cloutier) ainsi que de ses quatre enfants dont Denise (magnifiques Laurence Deschênes et Rose-Marie Perreault) qui l’aidait dans les compositions de ses chansons et était sa pianiste lors de certains spectacles. Son époux, fort diminué à la suite d’un grave accident de travail, voyait d’un mauvais œil le salaire élevé de sa femme et, parallèlement, ses multiples absences de la maison pour faire des tournées dans toute la province. À travers le divertissement populaire et le réconfort qu’offrait Mme Édouard Bolduc, La Bolduc explore efficacement la crise économique, le processus créatif, les lourds sacrifices qu’exige le métier d’artiste, les regrets familiaux et les premiers balbutiements du féminisme.

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La reconstitution de l’époque s’avère irréprochable, que ce soit les lieux, les décors, les accessoires ou les costumes. On plonge véritablement dans le Québec de 1930. Les efforts de la production impressionnent et ne font jamais ombrage au scénario. Frédéric Ouellet et Benjamin Alix parviennent à pimenter les codes du drame biographique en s’éloignant de certains clichés. On ne voit pas l’enfance de Mary Travers. On s’attarde brièvement à son adolescence avant de se concentrer sur les hauts et les bas de la gloire d’une femme intègre qui aspire uniquement aux valeurs conservatrices de son temps. Bien qu’utilisés ici avec parcimonie, les classiques retours en arrière et la narration , présents seulement pour contextualiser les intrigues, n’étaient pas réellement nécessaires, les images étant suffisamment explicatives pour transporter les cinéphiles à travers différentes décennies.

Quelques pans de la vie de La Bolduc sont toutefois victimes d’un traitement trop expéditif. Probablement par peur d’ennuyer ou de créer des répétitions, les scénaristes n’ont pas pris le temps d’approfondir à sa juste valeur le volet créatif. Certes, on voit La Bolduc dans une salle de répétitions qui tente de gérer la pression de devoir réussir une chanson en une seule prise, mais c’est trop peu. Les moments d’échanges d’idées entre Mary et Denise s’avèrent intéressants et attendrissants, on en aurait pris bien plus. Les débuts de la chanteuse n’ont pas été des plus glorieux. Les disques ont pris beaucoup de temps avant de se vendre de manière considérable. Hélas, le script fait vite le tour de cette partie, ce qui peut créer de la confusion chez les spectateurs qui ont l’impression que les artisans se sentaient obligés de tourner les coins ronds.

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La Bolduc a été un symbole puissant du féminisme, et le film aborde ce point avec délicatesse et subtilité en soulignant que tout ce branle-bas de combat était bien malgré elle. Mary Travers désirait seulement gagner des sous et voulait s’assurer que l’argent serve pour le bien-être de sa famille. Cela a donc entraîné le fait qu’elle a été la première femme à avoir son propre compte bancaire. Évidemment ce geste a bien fait avancer la cause féministe, et c’était important de le traiter avec soin puisque La Bolduc est avant tout un film historique qui a pour but de se remémorer les conditions d’autrefois et comment ces changements forgent la société d’aujourd’hui. Par contre, la présence de Thérèse Casgrain (Mylène Mackay), consciente que l’admiration du public envers La Bolduc la rendait plus signifiante qu’elle dans la lutte aux droits de la femme, manque de substance et d’explications didactiques.

Dans le rôle-titre, Debbie Lynch-White excelle comme à son habitude. La façon dont elle manipule le violon et sa maîtrise de la turlute rend sa Bolduc extrêmement crédible sans ne jamais verser dans l’imitation ou la caricature. Elle fait preuve d’une belle vulnérabilité. Émile Proulx-Cloutier affiche également des nuances inspirantes et émouvantes. À prime abord, il semble être le méchant de service, mais il n’en est rien. Le comédien démontre avec doigté que son personnage était tiraillé entre les valeurs de son époque et la fierté qu’il éprouve auprès de celle qu’il aime. Rose-Marie Perreault, quant à elle, incarne Denise avec un aplomb impressionnant et une naïveté touchante.

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Bref, La Bolduc remplit avec brio les énormes attentes. Il éduque, touche, émerveille et donne envie de quitter la salle en turlutant. On ne pouvait rien demander de mieux!

Note : 3,5 /5

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