L’autre côté de la frontière
© Sony Pictures
Par : Normand Pineault
Lorsqu’un attentat terroriste se produit à Kansas City, l’agent fédéral Matt Graver décide de refaire équipe avec Alejandro Gillick afin de poursuivre leur guerre contre les cartels mexicains et le trafic d’immigrants. Josh Brolin et Benicio del Toro reprennent ici respectivement leurs rôles, mais cette fois-ci, sans la voix de la raison qu’avait été le personnage d’Emily Blunt lors du premier film. Et comme le dit si bien l’une des répliques, il n’y a « plus de règles ». Ce qui s’avère malheureusement être le cas aussi pour le contenu de ce film très violent et graphique.
Stefano Sollima remplace ici Denis Villeneuve à la direction, tandis que le directeur photo et le compositeur, qui avaient tous les deux fait la force et la tension du premier opus, ont aussi été substitués, et cela se voit dès les premières minutes du film. Le manque de réalisme et d’originalité de certaines scènes, que ce soit dans l’environnement des personnages ou dans le montage lui-même, fait exactement le même effet qu’un bulletin de nouvelles à propos de la guerre : une déconnexion irritante du monde dans lequel nous tentons de nous plonger. L’ambiguïté totale des intentions des personnages, tous aussi gris en moralité les uns que les autres, n’aide pas non plus cette impression. Au lieu d’avoir une œuvre cohérente, la trame de fond devient ainsi un rapiècement sans liaison solide, et les acteurs, très sobres, sautent simplement de scènes en scènes pour la nécessité du scénario. Les brèves fusillades en guise d’action sont bien interprétées, mais sont noyées dans des longueurs inutiles, ce qui ne donne guère de décollage au film, qui nous sert même en conclusion la possibilité d’une seconde suite.
Seul autre artiste à revenir, le scénariste Taylor Sheridan (qui pourtant avait excellé avec le premier Sicario, ou même le dur Wind River) nous offre ici une histoire qui manque un peu de structure, un film qui ne possède pas d’identité propre. L’idée de peindre en sang un portrait de la guerre au terrorisme est un sujet prédominant du film, mais tombe à plat dans l’ombre de l’actualité réelle, que ce soit en parlant des conflits à la frontière américaine ou des atrocités commises dans un camp comme de l’autre.
Il est donc dur de ne pas comparer Sicario : Day of the Soldado à son prédécesseur, en l’occurrence, l’excellent thriller que nous avait offert Denis Villeneuve en 2015, puisqu’ils semblent définir les deux côtés d’une médaille, ou la frontière qui existe entre la qualité et le désordre que peut être une œuvre cinématographique.
Texte révisé par : Johanne Mathieu