Une programmation complètement déjantée!
© Zoofest
Par : Marie Eve Archambault
Le Zoofest ose lancer sa 12e édition malgré les conditions sanitaires émises par la santé publique. Cette année, nous pourrons compter sur 20 spectacles qui seront présentés au Studio Hydro-Québec, du 15 au 24 juillet. À quelques jours du début du festival, Patrick Rozon, directeur général du festival, a répondu à nos questions.
J’ai lu que cette année, vous avez dû faire votre programmation en 3 semaines. Doutiez-vous de la tenue de la 12e édition du Zoofest?
Très bonne question. Oui, on a eu trois semaines pour tout faire dont l’organisation du festival. Est-ce qu’on était prêt à avoir une édition du Zoofest? Oui, mais on croyait sincèrement que ce serait virtuel. Quand on a su qu’on pouvait offrir le festival, on a dû se revirer rapidement parce qu’on préfère le présentiel, mais il faut, avec la santé publique, respecter toutes les conditions sanitaires. Ce n’est pas simple et ça change constamment. Pour des organisateurs d’événements comme nous, c’est un défi. On s’interroge sur comment on peut faire entrer 250 personnes. Dans cette salle, peut-on? Est-ce qu’on respecte la distanciation physique? Est-ce qu’on peut libérer des billets? La bonne nouvelle là-dedans c’est qu’on a une équipe qui a fait un travail majestueux, et elle continue de le faire. On est capables de s’adapter.
Au niveau de la programmation, ce fut l’année la plus facile parce que les artistes avaient TELLEMENT hâte de jouer. Si tu savais le nombre d’appels que j’ai reçus depuis le mois de janvier qui me demandent s’il va y avoir un festival cette année. On essaie de leur trouver une place à cette relève-là, mais à ce moment-là, je ne savais pas où on s’en allait. Lorsque nous avons eu le feu vert et qu’on leur a écrit pour leur dire la tenue de l’événement, il y avait déjà une gang qui avait pensé à des concepts de spectacle, et certains numéros ont été écrits durant l’hiver.
Vous offrez bien souvent des contenus originaux spécialement pour le Zoofest. Dans ce cas-ci, deviez-vous accélérer le processus pour offrir du contenu original?
Il y avait des artistes qui avaient déjà du matériel déjà écrit. Il y en a qui avait des concepts qui étaient déjà été réfléchis pour l’année passée, mais lorsqu’ils ont vu que le festival a été annulé, ils ont décidé de le garder dans un tiroir et le ramener cette année. On a l’exclusivité là-dessus et on a gagné du temps.
Il y a certains artistes à qui on a demandé d’embarquer. Ils ont accepté sans même avoir un numéro, mais ils m’ont dit : Non, mais je vais l’écrire. Donc, il y a du monde qui en un mois auront écrit, testé et présenté à Zoofest.
Avec le Festival Juste pour Rire, tu dois être prêt parce que les festivaliers s’attendent au meilleur du meilleur. Au Zoofest, le trip a toujours été l’expérience. Beaucoup d’artistes viennent roder du nouveau matériel à Zoofest parce que les festivaliers veulent cela. Ils aiment ça voir un artiste se planter. Ça l’air péjoratif dit comme cela, mais non. Tu sais que ce que tu vas voir à Zoofest, c’est la VRAIE première fois que tu vas pouvoir le voir. Il ne l’aura jamais fait nulle part ailleurs. Ça se peut qu’il se trompe et s’ajuste. Notre clientèle aime voir le processus créatif, et voir les artistes oser. C’est pour cela que ça ne nous stressait pas de savoir que les artistes avaient un mois pour écrire.
Il faut dire que nos festivaliers aiment aussi voir des surprenantes réussites! Ils sont contents d’être les premiers à l’avoir vu. Parfois, on ne s’attend à rien, et ça devient un boom majestueux. Il y a plusieurs spectacles qui sont sortis de Zoofest comme cela.
© Zoofest
Les artistes ont-ils carte blanche ou vous les orientez un peu?
Je te dirais qu’on fait une direction artistique globale. On approuve ce qu’ils vont dire, vers où ils s’en vont, la structure et la mise en scène. Je suis plutôt un curateur. Si j’aime ça et j’ai le sentiment que ce sera bon, j’embarque! Je n’approuve pas chaque ligne.
Le Zoofest c’est le tremplin pour la relève, mais à ce que je vois, il y en a certains qui aiment revenir à la source. Je pense notamment à Katherine Levac ou Martin Vachon. Peut-on dire que le Zoofest c’est comme de vieilles pantoufles?
Vraiment. Oui, le Zoofest est un tremplin pour notre relève où l’on peut tester du matériel et se faire voir, mais c’est surtout un festival pour oser. Ça peut être n’importe qui. C’est ça le message que j’ai lancé à l’industrie. C’est pour cela qu’on a eu Les Denis Drolet qui sont venus tester de nouveaux personnages sans savoir que c’était eux il y a trois ans. Ailleurs au Québec, ils n’ont pas la chance de faire cela parce qu’un Denis Drolet ou une Katherine Levac, les gens les connaissent pour ce qu’ils sont. Alors, lorsqu’ils veulent sortir de ça, c’est plus difficile. À Zoofest, ils peuvent.
On se retrouve avec des gens qui font complètement autre chose. L’exemple parfait : en 2019, Jay Du Temple ne voulait pas faire de l’humour, mais des entrevues. Il avait envie de s’installer pendant 15 soirées et faire des entrevues avec des gens qui l’intéressent. On a dit go et aujourd’hui, nous ne sommes plus surpris que Jay Du Temple fasse des entrevues avec son podcast. C’est au Zoofest qu’il l’a fait en premier.
Quand ils commencent à Zoofest, ils ont le Zoofest de tatouer dans le coeur. Ils ont compris le principe. S’il veulent faire un nouveau numéro, animer un gala ou faire un gros spectacle sur la Place des Festivals, ils m’appellent pour Juste pour Rire. S’ils ont une nouvelle affaire où ils ne savent pas si cela va marcher. Ils ont la chienne de leur vie, mais c’est Katherine Levac qui fait des chansons. Elle m’appelle et elle fait le Zoofest. Il y a une belle ambiance créative qui s’est installée.
Parmi les spectacles qui feront partie de cette édition réduite, il y aura le grand retour du Gala des refusés, un concept de Jay Du Temple. Pourquoi avoir ramené cette idée?
Avec le concept des cartes blanches, on doit toujours avoir le meilleur du meilleur. On répond nécessairement à des diffuseurs. Il y a des artistes qui passent dans la passoire parce qu’ils ne sont pas assez connus ou parce que le texte n’est pas assez fort à notre goût. La raison pour laquelle Jay Du Temple avait créée cela c’est parce qu’il disait: « Nous autres, nous les aimons nos textes. Alors qu’est-ce qu’on peut faire pour les faire entendre?» Et moi, j’ai dit: « Venez et on va appeler ça le Gala des Refusés. » Et ça roule encore! La seule différence, c’est que Jay était fâché! Aujourd’hui, il n’a plus cette haine-là parce que j’ai atténué cela. Lorsqu’ils m’ont nommé à Juste pour Rire, il y avait une compétition entre les deux. Aujourd’hui, il y a plus une harmonie en sachant que ce n’est pas le même produit. Des fois, et on l’a vécu, que le Gala des Refusés était plus fort que la Carte Blanche. Et ça me prouve que parfois, j’aurais dû écouter plus les jeunes. On veut garder ce concept-là.
Quand je suis arrivé, j’ai dit qu’on allait toujours respecter les gens qui sont là depuis longtemps dans le métier, mais les jeunes sont très forts et il faut leur laisser une place. Oui, il y a des refusés, mais ils méritent, eux aussi d’être entendus. Tant mieux si le numéro est meilleur qu’on pensait!
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Parlant de relève, comment la décririez-vous? Va-t-on vers des avenues inattendues?
Cette relève-là est extrêmement travaillante. Ça ne fait même plus le party. On connait le Juste pour Rire où il y avait des nuits jusqu’à 5 heures du matin. Aujourd’hui, à 2 heures, tous les artistes sont partis. Parce qu’ils ont soit un gala ou ils retournent écrire. Ils sont travaillants, mais d’une façon différente d’avant. Ils n’ont pas peur de se challenger eux-mêmes et d’arriver avec des textes mieux écrits. Ils n’ont pas peur de parler de sujet contemporain et d’oser. C’est énorme pour cette génération-là. Ça fait vraiment du bien de les entendre parce qu’ils osent y aller. Nous-mêmes, il faut que l’on s’adapte à cette génération-là. Ils veulent vraiment marquer leur temps. Probablement comme Yvon Deschamps voulait le faire. C’est enrichissant pour nous de voir cela.
Une pandémie mondiale comme on l’a vécue, a-t-elle, selon vous, aidé ou nui à nos humoristes de demain?
Je pense que pendant, cela a nui à tous les créateurs. Rester enfermé chez vous, je comprends que c’était nécessaire, il fallait le faire, mais pour des créateurs, c’est un peu la mort. Quand nous, notre travail c’est de parler de ce qui se passe dans la société, de socialiser, de faire rire les gens, là, on n’avait pas la chance de faire ça.
Par contre, aujourd’hui, je trouve qu’il y a un plus grand travail d’équipe. Je trouvais qu’il y avait un gap entre l’ancienne génération et la nouvelle génération de par les textes, leur manière de le faire, leur attitude, etc. Là, j’entends de l’autre génération : « Hey, j’aimerais ça avec telle personne avec moi qui sont beaucoup plus jeunes. » Et l’inverse est aussi bon : « J’aimerais être coaché par lui parce que je trouve qu’il me manque quelque chose qu’il a. » Il y a maintenant un travail d’équipe constant. Est-ce parce que pendant la pandémie on a cru tout perdre? Peut-être. Peut-être qu’il y a eu certains egos qui sont tombés. Certains voient le travail d’équipe qui les mèneront à être plus forts et de faire évoluer cet art-là.
Vous offrez une vitrine à tous vos artistes grâce au concept Les étoiles montantes. Pouvez-vous me parler de votre initiative?
C’est complètement nouveau. On s’est rendu compte que nous avions une salle qui peut accueillir environ 90 personnes par spectacle. On pouvait faire deux spectacles par soir parce qu’il faut nettoyer entre les spectacles. On s’est rendu compte dans notre terrain de sable qu’on a habituellement 350 artistes. On s’est dit: On ne peut pas en avoir seulement 25! On s’est questionné pour savoir comment on peut se rendre à 150, mais avec le même terrain de jeu. Et c’est là que le concept Les étoiles montantes est né. Tous les artistes font 5 minutes et on peut en passer 30 dans une soirée.
On se demandait si on était capable de booker ça en 3 semaines. On s’est dit : « On se donne jusqu’au spectacle et s’il y en a 28, il y en aura 28, c’est tout. » C’est déjà fini de booker au moment où je te parle. C’est 48 artistes je crois qui passeront en deux soirs. Si tu veux juste voir c’est quoi la relève en humour, c’est la soirée parfaite. C’est assez pour dire : « Lui, je vais le suivre parce que j’ai aimé ça. » On n’avait pas pensé à cela avant parce qu’on avait déjà plein de spectacles, mais la situation de cette année nous a amenés à réfléchir à un nouveau concept qui leur permettra d’avoir une plus grande visibilité.
Vous avez décidé de capter ces soirées-là. Dans quel but?
On va les aider. On capte le spectacle. Les gens en présentiel vivent un trip de malade parce qu’ils voient beaucoup d’artistes passer. Pendant l’année, on va faire des profils. Exemple : Tu veux découvrir Antoni Rémillard? Voici son 5 minutes. Donc pendant tout l’année, tu as accès à plein de découvertes et on va mettre l’emphase sur un artiste tous les 2-3 jours par exemple.
Ça permet aussi une visibilité pour le Zoofest durant toute l’année.
Oui, c’est ce qu’on voulait aussi. On a d’autres projets comme faire un Zoofest hiver ou un Zoofest à l’année, mais dans différentes salles. Le Zoofest, c’est une marque que les artistes aiment beaucoup, mais les festivaliers aussi. C’est 150 000 personnes qui viennent chaque année. On cherche à exister sur plus de 2-3 semaines. Là, on commence grâce à la version virtuelle du Zoofest. On n’arrête pas et on a d’autres projets qui sont sur la table.
Zoofest se tiendra du 15 au 24 juillet avec un peu moins d’une centaines de personnes qui seront admises pour chaque représentation. Pour acheter vos billets : https://www.zoofest.com/
Photo à la couverture : Julie Côté / MatTv.ca