Survivre à son passé
Par : Johanne Mathieu
Auteur notamment de Pourquoi Bologne et du roman graphique La ligne la plus sombre, Alain Farah nous revient cette fois avec Mille secrets mille dangers. Ce dernier titre est paru aux Éditions Le Quartanier. Un récit autobiographique qui parle de la famille, de l’immigration, de la souffrance, de la religion et du deuil.
Un jour de juillet 2007, Alain Farah a vingt-huit ans. C’est le jour de son mariage où il unira sa destinée à celle de Virginie en la crypte de l’oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal. Le plus beau jour de sa vie. Famille et amis – ses parents, ses beaux-parents, son cousin Édouard, sa meilleure amie, Myriam – sont ainsi réunis lors de cette journée qui s’annonce merveilleuse. Mais Alain va mal, très mal, et rien ne se déroulera comme prévu. Et l’angoisse montera. Les fantômes du passé s’invitent à ce mariage et font ressurgir des années bien sombres, ce qu’il a voulu oublier, taire ou refusé de voir. Est-ce le désastre, ou le mauvais œil, qui l’attend?
Ce que je ressens a plusieurs visages, et tous se dérobent. Je comprends que ce que je ressens est un masque, un piège, et qu’en-dessous il y a la fosse aux monstres […]
L’auteur nous relate dans ce roman le récit d’une journée qui sera haute en émotions et en couleurs. Le récit d’un bonheur sous lequel couve une source infinie de colère et de souffrance. La souffrance de toute une vie : le divorce de ses parents, en raison duquel ils se sont entredéchirés; la maladie chronique dont il est atteint depuis l’adolescence, celle qui l’empêche de vivre comme il l’entend; un premier amour refoulé; un ami devenu ennemi juré, la mort d’une personne aimée… Il raconte entre autres l’histoire des origines, les siennes, celle de ses parents qui ont quitté les guerres du Moyen-Orient pour s’établir au Québec, et tout ce que ça implique : la question épineuse de la religion, des accomodements raisonnables, des traditions qui disparaissent. Il aborde également la maladie qui l’afflige et prend toute la place : les crises intestinales, l’insomnie, l’angoisse extrême, les médicaments, l’hôpital, son combat contre les anxiolytiques.
A priori, ces thèmes ne sont pas porteurs d’espérance et ne sont guère réjouissants. Et pourtant… De l’autre côté, on y trouve un hommage à l’amitié, à la loyauté et à la complicité, au soutien inconditionnel des parents pour leur enfant. Alain Farah démontre que pour tirer un trait sur son passé, il faut réparer, se racheter, pardonner, avancer. Malgré le tumulte intérieur, il est possible de trouver l’équilibre. L’auteur nous offre une fresque familiale et personnelle qui nous émeut, nous fait sourire, nous fait réfléchir. Une histoire de fins, de commencements et de révélations. Un roman humain et puissant.
Mille secrets mille dangers, d’Alain Farah (2021), Éditions Le Quartanier, Montréal, 512 pages.