« Détruire le patriarcat une blague à la fois »

Par : Ariane Coutu-Perrault

Depuis quelques mois, les animatrices et créatrices du concept, Anne-Sarah Charbonneau et Noémie Leduc-Roy, présentent le Womansplaining Show, qui offre un espace sécuritaire, où des humoristes de la relève issues de la diversité de genre, d’origines et d’orientation sexuelle peuvent faire de l’humour féministe.  Une fois par mois, quatre humoristes sont invitéEs à venir tester leur matériel au Cabaret du Lion d’or. Cette fois-ci c’était au tour de Jessica Chartrand, Altesse, Véronique Isabel Fillion, Mona de Grenoble.

Ce qui est vraiment agréable, mais tout aussi perturbant, c’est de constater à quel point il y a une différence générale durant ce spectacle. Autant au niveau des propos que dans la mécanique humoristique. Hé oui, qui l’aurait cru, lorsqu’il y a de la diversité sur scène, il y en a aussi dans le contenu. C’est drôlement rafraîchissant d’entendre, en tant que public, nos points de vue et nos réalités, ce qui touche notre quotidien. Comme quoi les jokes faciles sur les blondes contrôlantes n’interpellent pas tout le monde. L’autodérision des animatrices vient donner un ton décomplexé. L’autodérision du féminisme et de ses militant.e.s démontre brillamment qu’il n’est pas nécessaire de dénigrer un concept ou un groupe de personnes pour faire rire. On sent la réflexion et le travail derrière les gags. Et puis que dire de la liberté d’expression, qui permet à ces humoristes de ne pas se faire interrompre, voire même attaquéEs par les propos rapportés.

Ce genre d’endroit qui se rapproche sans doute le plus d’un safe space inclusif, où les féministes et la réalité des multiples diversités ont le droit d’exister. C’est une soirée qui fait du bien, où on a l’impression que personne n’est oublié; de par l’animation plus que chaleureuse, les trigger warning en début de spectacle, même les serveuses au bar ont été remerciées. Bref, il est étonnant de se rendre compte de la différence, à plusieurs égards, entre un spectacle d’humour dit « typique », et franchement, c’est un changement qui fait le plus grand bien. Et quel excellent pied de nez à l’industrie qui présente beaucoup trop souvent des lineups avec une femme, ou une personne issue de la diversité et bien non, ça se peut autrement. 

Jessica Chartrand se rapprochait le plus du standup traditionnel dans un numéro bien ficelé, avec parfois une prémisse déjà vue, mais grâce au point de vue de l’humoriste, le punch est complètement inattendu, et la blague devient donc d’autant plus surprenante et drôle.

Altesse débarque sur scène comme une reine, nous charme rapidement et souligne ses faiblesses d’une adresse déconcertante pour retourner la situation à son avantage. Et honnêtement, rire des personnes blanches, c’est dans nos dents et vraiment drôle! 

Véronique Isabel Fillion valse entre le malaise, l’arrogance et la tendresse. Elle arrive sur scène avec un visage d’ange, mais nous en met plein la gueule avec un numéro soutenu et rythmé par le nombre de blagues.

Mona de Grenoble, étant le seul garçon sur scène, bien qu’habillé en Drag Queen, avait la tâche délicate de faire un numéro sans prendre trop de place, comme un bon allié. Elle a relevé le défi en assumant d’emblée qu’elle ne prétend pas connaître certaines réalités, tout en étant compatissante. Son numéro reste féministe en dénonçant la masculinité toxique dans une envolée lyrique déjantée comme elle sait si bien le faire. 

Le Womansplaining Show se déroulera encore jusqu’au mois de novembre, parfois à Montréal et parfois à Québec. Vous pouvez également suivre les divers projets des invitéEs, tels que le balado, Poules mouillées de Jessica Chartrand et Véronique Isabel Fillion. Une soirée d’empowerment autant pour le public que pour les artistes sur scène, à voir absolument.