Retour sur la Symphonie fantastique de Berlioz et Barbara Hannigan à l’OSM
Par : Annie Dubé
Il se passe toujours une magie que les mots ne savent exprimer entièrement, lorsque Rafael Payare est en concert avec l’Orchestre Symphonique de Montréal à la Maison Symphonique. Le concert unique auquel le public a assisté le 7 décembre ne fait pas exception : c’est chaque fois un moment… rien de moins qu’exceptionnel. La soprano Barbara Hannigan était l’invitée de cette première partie, et pour tout dire, c’était digne d’un autre monde.
Apparaissant du haut des airs au balcon, lors de la première pièce, Djamila Boupacha pour soprano solo de Luigi Nono, l’icône mondiale canadienne a su envoûter notre curiosité dès les premières notes, accompagnée des musiciens de l’orchestre. Je ne serai pas celle qui vous dira si la note était la bonne, si un do devait être un si. Je suis celle qui vous dira plutôt : que de frissons dans nos oreilles.
L’orchestre a ensuite enchainé avec Valse Triste du compositeur Sibelius, tandis que la chanteuse se déplaçait en coulisses pour venir rejoindre la scène principale, juste à temps pour la très remarquable pièce de Claude Vivier, Lonely Child. C’est alors que s’est produit un wow.
Vêtue d’une robe splendide qui rendrait jaloux les plus grands créateurs mode de haute couture, cette voix exceptionnelle a la présence d’une muse sur scène. Magnifique, elle m’a involontairement inspiré une réflexion au sujet du code vestimentaire des chanteurs d’opéra, particulièrement, des chanteuses. Verra-t-on un jour une diva chanter en linge mou? J’en doute. La société n’est pas prête, comme ils disent dans Retour vers le futur. Et après tout, c’est un spectacle! Il semblerait que le textile est l’enrobage de choix pour un tel cadeau culturel à se faire. En tout cas, c’est réussi.
Envoûtante, splendide, et je dirais même un peu extraterrestre; voilà que cette rencontre d’un autre type a su bouger les plaques tectoniques de nos intériorités durant cette prestation d’une grande présence.
Les talents d’interprète de Hannigan étaient à la hauteur de cette troisième œuvre, présentée en début de concert. Avec sa langue inventée, qui se mêlait au français, les sons devenaient des petits bruits, des oh en se couvrant la bouche d’une main, qui rappelaient comment les enfants imitent parfois les peuples qu’ils imaginent vivre dans une forêt onirique, mais sans exactement en faire de la dérision culturelle, puisqu’il s’agit d’une langue imaginaire. Je n’ai jamais eu autant l’impression de me rapprocher de cette fameuse scène lyrique dans le film Le Cinquième Élément, bien que ce numéro fût incomparable à quoi que ce soit dans mon répertoire personnel.
Berlioz, à couper le souffle pour mieux le redonner
En seconde partie de concert, Berlioz est apparu dans nos tympans comme le fantôme de sa présence musicale immortelle. Puissant, le pouvoir du fantastique. Cette incroyable soirée d’une intensité qui ne démordait pas est exactement ce qu’on aime des soirées à l’OSM. Le chef Payare a conduit ses musiciens vers un voyage dont nous avons tous profité à grandes bouffées, dans les poumons de notre âme!
Ce que je retiens le plus de ce beau rêve? Le chef d’orchestre ne suit pas de partitions : tout est dans sa tête, son corps. Pas une note ne semble manquer à l’appel. Son énergie, précieuse et réelle, est devenue un essentiel, dont on ne souhaite pas se priver, jamais.
Je vais vous le dire bien sincèrement : Rafael Payare est un redoutable instrument de musique corporel, quand il communique la danse des notes et des émotions qui habillent les gammes et les clés de sol.
Le public, captivé, n’a pas osé applaudir la moindre fois entre les morceaux. On se disait tous secrètement : espérons qu’ils savent que c’est par stupeur, amour et respect. Comme de fait, une fois le concert terminé, l’ovation était des plus sincères.
Il n’y a pas à dire : c’était bel et bien un grand concert. Deux autres représentations auront lieu les 10 et 11 décembre à 14 :30. Vous pouvez vous procurer des billets pour Barbara Hannigan et la Symphonie fantastique ici, avant qu’il ne soit trop tard. À ne pas manquer, c’est véritablement… fantastique!
Comme quoi une petite visite à l’OSM n’a, à mon avis, jamais fait de mal à personne, bien au contraire.
Crédit de couverture : Antoine Saito
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