La québécois-guatémaltèque en 10 questions
Par Lucia Cassagnet
Le film Respire, qui est sorti en salle le 27 janvier passé, est un des récents projets du comédien/musicien/réalisateur/scénariste Luis Oliva. Plus tard cette année, on va le voir aussi dans Richelieu, le premier long métrage de Pier-Philippe Chevigny.
Cet artiste aux multiples rôles s’est entretenu avec MatTv vendredi matin. Voici ce qu’il nous a dévoilé…
- C’est un retour à votre première passion, d’une certaine façon, qu’est-ce qui est différent cette fois-ci de quand vous avez commencé à être comédien il y a plus de vingt ans?
Beaucoup de choses. Premièrement, je ne suis pas vraiment parti, j’ai été derrière la caméra pendant quelques années. Je te dirais que les budgets de tournage ont beaucoup changé. Le rythme des tournages a beaucoup accéléré, dans le sens qu’on tourne beaucoup plus de trucs en moins de temps.
C’est un signe que j’avais déjà vu venir. Les nouveaux modes de production ont changé, et les castings aussi. On est rendus ailleurs dans le domaine de la diversité. La preuve, c’est les rôles que j’ai obtenus dans les 3 dernières années. C’est des personnages qui n’ont pas nécessairement un lien, ce n’est pas parce que je suis latino que je les ai eus.
- En quoi est-ce que la nouvelle rapidité dans les tournages change votre job de comédien?
Premièrement, il y a moins de temps d’exploration. Juste ça, c’est déjà une grande différence. Je me souviens, à l’époque, on pouvait parfois passer 20 minutes, une demi-heure, juste avec le réalisateur et les acteurs à trouver la scène, la bouger, avant même de faire venir l’équipe technique. Ce temps-là qu’on avait, qu’on appelle le blocking, c’est la mise en scène, si on veut, aujourd’hui, on en n’a presque plus.
Ça va extrêmement vite, tu n’as plus le temps de répéter tes affaires. Ça enlève de l’exploration. Et ça affecte aussi peut-être ceux qui ont un peu moins d’expérience, parce que c’est très intimidant un plateau de tournage. Et quand ça va vite et tu commences, ça peut être déstabilisant.
Et, évidemment, tu as moins de prises… Des fois, même si t’es pas content, c’est too bad, on passe à la prochaine!
Tout est une question de temps, en fait. On a les mêmes équipes de tournage, le même équipement, le même talent que n’importe quel grand film américain, mais la différence est le temps.
- Pensez-vous avoir une meilleure compréhension de comment agir devant la caméra maintenant que vous avez de l’expérience derrière la caméra?
Oui, mais je te dirais que ça aussi c’est venu avec les années d’expérience comme acteur. Des deux côtés, ça m’aide beaucoup, car le fait d’être passé dans la réalisation, comme acteur, ça m’aide à mieux comprendre dans quel univers je joue. C’est important pour comprendre l’équipe, toute la machine qui est là pour raconter l’histoire. On en fait partie comme acteur, et ça m’a donné beaucoup d’humilité par rapport à ce que j’ai à faire.
Quand je réalise, j’ai le projet en tête dès la préproduction jusqu’à la fin de la postproduction et j’adore ça. Je rêve à ça tous les jours et je pense à ce que j’ai à faire. Et quand je suis acteur, j’ai le privilège de me concentrer que sur ce que j’ai à faire cette journée-là, mon personnage, ce que j’ai à jouer et quand ça c’est fini, ma journée est finie.
C’est des univers complètement différents et l’un me fait apprécier beaucoup plus l’autre.
- Quel serait un rôle qui serait à la fois excitant, mais tout de même un défi à relever dans les prochaines années?
Je suis déjà un peu en train d’explorer un nouveau rôle de création, celui de scénariste. Je travaille sur mon premier long métrage. C’est le plus grand défi, vertige, grande peur que j’ai dans ma carrière depuis très longtemps!
- Suivez-vous une méthode de préparation particulière avant d’entamer un nouveau rôle?
Ça dépend vraiment des projets, des rôles. Si c’est un rôle d’un métier sur une chose dont je ne connais rien, je vais faire le plus de recherche possible sur le personnage pour au moins avoir l’air de savoir ce que je fais…
Au début de ma carrière je voyais le jeu comme le fait de prendre la peau de quelqu’un d’autre et en réalité, j’ai réalisé que non, je devrais donner tout ce que moi, je suis aux personnages. Ça a changé ma façon de préparer mes personnages pour une façon beaucoup plus personnelle.
« Comment est-ce que je peux être le plus authentique? » C’est comme ça que j’auditionne et que j’approche mes personnages.
Ce qui est rendu plus épeurant, c’est que maintenant, on m’offre des rôles, et je me dis « oui, mais ils ne m’ont pas vu en audition! »
- Comment préférez-vous être décrit, en pensant à tous les chapeaux que vous portez ?
Je te dirais que le chapeau d’artiste!
Depuis que j’ai 15-16 ans, je fais de l’impro, je fais de la musique, je voulais faire le boss des bécosses quand on faisait des affaires… C’est pas mal toute la même chose pour moi, ce sont les différents modes d’expression, et le même besoin d’exprimer, de vivre et de faire vivre des émotions, raconter des histoires.
Que ça soit en chanson, comme acteur ou réalisateur, ou même en documentaire, c’est le même but pour moi. Arriver à toucher les gens de façon émotionnelle, par l’art.
- Est-ce que ça vous intéresserait de participer à une production guatémaltèque si l’opportunité se présentait?
Bin oui! Je ne dirais pas non. Dans Richelieu, qui sort plus tard cette année, j’ai eu la chance de jouer un travailleur guatémaltèque ici au Québec. J’ai vécu un des moments les plus marquants de ma vie. Dans une scène en particulier, je chante une des chansons que j’ai écrites pour le film, en espagnol, devant le drapeau du Guatemala. Ça a été un moment que je n’oublierai jamais, ça représente tout ce que je suis. Donc oui, si j’avais l’option d’aller jouer au Guatemala, je le ferais avec plaisir.
- Que diriez-vous aux aspirants comédiens qui en sont à leurs débuts?
Si j’ai un grand conseil à donner, c’est de trouver sa voix, trouver qui on est, nous.
Comme j’expliquais tantôt, moi j’ai découvert comme acteur que je devais trouver ce qu’il y avait en dedans de moi pour chaque personnage que j’ai joué. Trouver l’artiste qu’on est prend du temps mais il faut faire confiance à sa propre voix.
Et faire confiance au chemin aussi, pourquoi pas. Le métier est très difficile, indépendamment de ta couleur de peau. Il n’y a pas un chemin, une recette.
- Dans le futur, est-ce que vous seriez intéressé à faire du mentorat pour des aspirants artistes?
J’en ai fait pendant la pandémie, jusqu’à l’année passée. J’ai fait des ateliers avec des gens qui sortaient de l’école de théâtre, et j’ai complètement adoré cette expérience! C’est quelque chose que je veux reprendre. Je ne peux pas en ce moment à cause de mes horaires, mais j’ai très hâte de rouvrir un nouvel atelier. J’adore, justement, leur donner le déclic qui parfois manque pour qu’ils se fassent confiance.
C’est une autre grande passion pour moi l’enseignement, finalement.
- Est-ce qu’il y a une chose à laquelle vous avez vraiment hâte pour l’année 2023?
Je te dirais que c’est la recherche d’équilibre. Parce que dans ce métier, il y a une chose qui est bizarre, c’est tout ou rien. On passe des mois à penser qu’on ne va plus jamais travailler et tout d’un coup, on a plein de jobs. On est bien heureux, mais notre vie personnelle prend le bord.
En tout cas, je parle pour moi…
De temps en temps, je pense, il faut s’arrêter et dire « tout ça, c’est le fun » mais j’aime autant ma vie personnelle que ma vie professionnelle.
Ouais, c’est ça que je me souhaite!
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