L’Orchestre symphonique de Montréal accueille les Marseillais aux accents de rap et de hip hop
Par : Cyriel Truchi-Tardivel
Voilà trois années que le mythique groupe de rap français IAM était programmé pour une série de concerts exceptionnels avec l’Orchestre symphonique de Montréal. Depuis 2020, cet événement a été reporté puis annulé, au grand désespoir des fans, pour finalement se concrétiser au mois d’octobre 2023. Quatre dates très, très attendues par le public québécois.
Il faut dire qu’au fil des années, IAM est devenu un groupe légendaire. Formé en 1989, il se compose à l’origine d’Akhenaton (Philippe Fragione) et Shurik’n (Geoffroy Mussard) au chant, de Dj Kheops (Éric Mazel), Dj Imhotep (Pascal Perez) aux platines, de Kephren (François Mendy), et anciennement de Freeman (Malek Brahimi). Avec des textes engagés, profonds et sincères, dépeignant le quotidien des banlieues françaises, des abus des politiques, ou encore les injustices criantes de notre monde; le tout servi sur des samples hip hop, IAM est rapidement devenu incontournable. Le groupe est aujourd’hui reconnu comme l’un des piliers du rap français et comptabilise plus d’une dizaine d’albums studio à succès, de nombreuses collaborations, des tournées dans tout l’Hexagone et au-delà, et un public solide qui le suit depuis de nombreuses années.
Sur la magnifique scène de la salle de l’OSM, la cheffe d’orchestre Dina Gilbert et l’Orchestre symphonique de Montréal se mêlent aux rappeurs français pour une collaboration époustouflante. Dina Gilbert n’en n’est pas à son premier coup d’essai. Passionnée par la démocratisation de la musique classique, elle collabore avec divers artistes hip hop français (IAM, Mc Solaar, Youssoupha, …) tout en dirigeant des ateliers interactifs pour les enfants, et en étant la cheffe d’orchestre principale des Grands Ballets Canadiens et la directrice musicale de l’Orchestre symphonique de Kamloops (Colombie-Britannique).
Pour parfaire cette belle équipe, on retrouve à l’orchestration Blair Thomson et à la mise en scène Marcella Grimaux.
Pour ces concerts événements, c’est un public hétéroclite qui se mélange pour vibrer ensemble au son d’IAM qui « casse la baraque avec des lyrics tonitruants ». Les jolies robes et tailleurs se mêlent aux casquettes et baskets. Le public est unanime dans son engouement et son ovation aux artistes. La cheffe d’orchestre, l’OSM et IAM sont accueillis sur scène par un public debout, applaudissant à tout rompre. Différents des traditionnels concerts hip hop, aux premiers accords, le public est perplexe. Faut-il rester assis ou se laisser porter par la frénésie et se lever pour danser? Très respectueux et si heureux de la prestation des artistes, c’est d’une même respiration, en accord, que le public se lèvera pour danser et chanter avec le groupe, et pour savourer toute la particularité et l’émotion de ce concert avec certains moments assis.
Grosse surprise, IAM reprend la quasi-totalité de son album phare « L’école du micro d’argent ». Un album sorti en 1997, qui marque un tournant majeur dans la carrière du groupe. Vendu à plus d’un million d’exemplaires, couronné de deux récompenses aux Victoires de la musique et qui recevra la certification de « disque de diamant ». Le public est extatique pendant que les artistes enchaînent les tubes comme « L’école du micro d’argent », « Née sous la même étoile », « la saga », « Petit frère », « L’empire du côté obscur »… Des textes emprunts de poésie et d’une grande beauté pour conter une réalité brutale et violente.
Les voix des deux choristes Meryem Saci et Malika Tirolien apportent une douceur et une puissante vibration féminine de soul et de jazz. Pendant deux heures, bon nombre de personnes dans l’audience font un retour dans le passé, une douce nostalgie qui fait bouger les têtes et les corps tout entiers.
Avec des textes aussi travaillés, il est dommage que les voix n’aient pas été plus claires à l’oreille. Les paroles des chanteurs Akhenaton et Shurik’n (grands artistes poètes humanistes), étaient parfois noyées par la musique de l’OSM. Espérons que ce détail sera réglé pour les trois dates restantes. Le public lui, ne s’en offusque pas, chantant en cœur les paroles d’un album de légende.
Une émotion vibrante a rempli la salle de l’OSM et chacun.e des personnes présentes ce soir-là. Du public de la première heure aux jeunes gens nés bien après les premiers succès d’IAM et qui ont découvert le groupe par la filiation des goût musicaux parentaux, tou.te.s sont unanimes, ce fut merveilleux!
Crédit photos : Maryse Phaneuf