La folie d’un père et la peur d’une famille
Par : Luc Lecavalier
C’est au Théâtre du Rideau Vert qu’est actuellement présenté Un reel ben beau, ben triste, classique de la dramaturgie québécoise écrite en 1976 par l’Abitibienne Jeanne-Mance Delisle et produite pour la première fois en 1978.
Cette pièce, mise en scène par Marc Béland et inspirée de la vie de Jeanne-Mance, relate la « pauvreté » et la « misère » de l’époque de la colonisation du territoire abitibien dans les années 50, un contexte dans lequel « se joue la tragédie », pour reprendre les mots de l’autrice.
« (…) un auteur, une femme, en face de qui le respect et l’humilité sont instantanés, qui nous glace d’horreur et nous baigne de chaleur tout à la fois. »
Olivier Reichenbach
Une tragédie familiale
Dans cette représentation d’une famille typique en état de pauvreté, à qui on avait vendu le rêve pour encourager leur migration en Abitibi, le père Tonio (Frederic Boivin) entretient une relation incestueuse avec sa fille Pierrette (Sarah Laurendeau).
Ivrogne et violent, il agit malignement pour maintenir un équilibre familial qui place sa femme Laurette (Nathalie Malette), son fils Gérald (Christophe Payeur) et ses deux autres filles, Colette (Gabrielle Lessard) et Simone (Ève Duranceau), dans l’ignorance et la peur. Jusqu’au jour où lors d’un souper en famille, alors que Tonio s’absente, Colette avoue avoir été témoin de la relation entre Pierrette et son paternel.
Le mari (Benoît Mauffette) de Jeanne (la fille de Tonio qui a quittée le nid familial) présent ce soir-là et scandalisé par la situation, Camille insiste pour que Laurette dénonce le père abusif à la police. L’incarcération de Tonio change la vie de la famille pour le mieux, mais le drame ne semble jamais loin…
Une adaptation trop réussie?
Au final plusieurs troubles et enjeux familiaux sont abordés : l’inceste, le patriarcat, la violence conjugale, l’abus, l’insuffisance alimentaire. Si ces troubles sont toujours présents aujourd’hui, ils sont toutefois difficiles à lier avec les enjeux actuels, tellement la situation politique au Québec était différente. Ça peut nuire à l’intérêt, surtout que les longs dialogues ralentissaient parfois une pièce pourtant bien organisée et rythmée.
Il y a aussi eu du très bon dans cette adaptation de Marc Béland. Ce classique du terroir québécois livre une histoire riche en rebondissements et des dialogues très réalistes, dus en partie certainement à l’excellent jeu d’acteur déployé par les comédiens sur scène (malgré une intensité parfois exagérée). Les décors, les effets sonores ainsi que l’éclairage que l’équipe de techniciens maîtrise à la perfection pour, par exemple, montrer le matin ou le soir, sont très réussis. Bref, en trois mots : une bonne pièce.
La pièce Un reel ben beau, ben triste, écrite par Jeanne-Mance Delisle et mise en scène par Marc Béland, est présentée jusqu’au 28 octobre, au Théâtre du Rideau Vert. Visitez le site web du théâtre pour plus d’informations.