Musique pandémique
Par : Jean-Claude Sabourin
Si la musique pouvait être contagieuse, L’Etran de l’aïr nous a montré qu’ils en seraient le principal virus lors de leur passage sur la scène Rio Tinto au Festival International de Jazz de Montréal, (FIJM) le 5 juillet dernier. On n’a jamais vu tant de gens se masser devant cette scène extérieure. Des milliers de personnes ne peuvent se tromper, le groupe de rockers nomades touaregs ensorcelle par leur musique.
Ce sont des étoiles, voilà ce que signifie « l’etran ». Un mot qui selon les membres du groupe peut se prononcer de différentes façons chez la dizaine d’ethnies qui composent leur pays d’origine, le Niger. Plusieurs façons, une seule signification. J’y vois bien l’image de leur musique qui tire sa source de tous ces peuples qui vivent avec le désert du Sahara; et qui a aussi emprunté aux sons plus occidentaux.
Quant à l’aïr, il s’agit d’un massif montagneux dans la région d’Agadez, origine du groupe et capitale du rock saharien. J’ai lu quelque part que ce type musical est « des plus rapides avec ses solos frénétiques et ses staccatos de batterie ». C’est bien ce que nous a servi L’Etran de l’aïr.
Soyez avertis, lorsque vous serez inoculés par le musique du groupe, il vous sera totalement impossible de ne pas danser au son de leurs « riffs » hypnotisantes. Elles agissent comme des mantras sonores qui libèrent le corps de son carcan routinier. À l’oreille, il est difficile de retracer une influence précise, le patient zéro se perd dans la nuit des temps.
Par ailleurs, j’ai eu la chance de bavarder avec les membres de L’Etran de l’aïr avant leurs représentations. Bien que sur scène les membres du groupe soient vêtus des habits traditionnels touaregs, ce n’est pas le cas dans leur vie de tous les jours. Remarquez, la température à Montréal en ce 5 juillet 2024 l’aurait bien justifié.
Bon, j’ai écrit « bavarder », mais ce sont des gens de peu de mots, réservés peut-être. Moi qui souhaitais mieux connaître la dynamique interne de ce groupe composé des membres d’une même famille, avec mes questions alambiquées, j’ai vite compris que ce n’était pas vraiment différent des autres groupes de musique.
Le « leader » est le frère cadet de celui qui a fondé L’Etran de l’aïr il y a près de trente ans, alors que le groupe n’avait qu’une guitare acoustique et une calebasse frappée avec une sandale. C’était un « band » nomade qui allait jouer dans les mariages et les baptêmes un peu partout dans leur pays. Aujourd’hui, ils sillonnent le monde pour faire écouter leur musique. Le fondateur de la formation a quitté le groupe depuis pour laisser la place à son frangin qui, à son tour, quittera un jour pour donner les rênes du groupe à un autre membre de la famille.
Aussi, les thèmes de leurs chansons sont vraiment des bons indicateurs d’un univers où se côtoient diverses cultures : médiation, paix, cohésion sociale, amitié ou situation de la femme. Des chansons qu’on n’a pas eu beaucoup la chance d’entendre car L’Etran de l’aïr n’a enregistré que deux albums jusqu’ici. Néanmoins, un nouvel album paraîtra le 14 septembre prochain.
Inutile de vous dire que si vous désirez contracter cette énergique maladie du rock saharien, vous devez absolument entendre le groupe L’Etran de l’aïr, que ce soit en personne ou via un de leurs albums. Ensuite, la fièvre ne vous lâchera plus jamais.
Le site officiel du groupe se trouve ici.
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