Io sonno Rocco, Tu iras la chercher et Chut continuent le festival
© Els De Nilrhok (Io sonno Rocco)
Par Sébastien Bouthillier
La deuxième édition montréalaise d’Actoral, le festival des arts vivants où les artistes de l’avant-garde occupent et explorent la scène, présente trois autres spectacles aujourd’hui et demain à l’Usine C. Performance, théâtre et arts visuels se déploient en révélant la richesse de l’imagination des créateurs.
Le jeune et prometteur metteur en scène Salvatore Calcagno, né en 1990, présente Io sonno Rocco (Tu dors Rocco), où mort et beauté s’affrontent. Après la guitare, le piano et le chant lyrique, il se tourne vers le théâtre, le meilleur moyen pour assouvir ses préoccupations rythmiques et visuelles, voire ses obsessions pour la lumière, la couleur et le détail. Son premier spectacle, La Vecchia Vacca (La vieille vache), a été primé Meilleure découverte aux Prix de la critique 2013.
Calcagno élabore ce spectacle sophistiqué, un drame mimé, après le décès de son père, quand il découvre deux morceaux d’Ennio Morricone sur des vinyles usés. L’intensité des émotions déclenchées par la musique du compositeur incite l’artiste à inventer des mouvement pour les représenter sur scène. Le résultat s’avère être le « mimodrame contemporain » chorégraphié qui découle de son fantasme comme s’il nous lisait à voix basse une page de son journal intime. Un danseur de l’opéra de Paris (Axel Ibot), une soprano (Elise Caluwaerts) et une actrice (Sophie Sénécaut) l’interprètent.
© Andrés Donadio (Tu iras la chercher)
Dans un monologue qu’il a rédigé, récité à la deuxième personne, Guillaume Corbeil accomplit un tour de force théâtral. Tu iras la chercher devient une expérience poétique vécue par le spectateur, qui suit l’histoire d’une femme (Stéphanie Aflalo) envolée pour Prague sur un coup de tête, à la poursuite d’une autre… Sauf qu’elle se poursuit elle-même! Dans le rêve éveillé que constitue sa fuite, elle demeure prisonnière d’une existence où elle ne retrouve plus son identité. La constante comparaison de soi à des images factices s’avère un exercice aussi aliénant qu’inquiétant selon l’auteur, assisté de Florian Pautasso à la mise en scène.
© Fanny de Chaillé (Chut)
Enfin, avec son humour absurde, Fanny de Chaillé projette sur le sol un tapis anamorphique, inventé par la plasticienne Nadia Lauro. La scène acquiert un relief insoupçonné à cause de la déconcertante projection. Dans Chut, l’espace devient ainsi l’endroit idoine pour jouer avec le déséquilibre.
Peut-être que l’interprète, Grégoire Monsaingeon, chutera s’il omet de prendre garde – de regarder – avant de poser le pied… Devant l’immensité du territoire, l’individu semble rapetissé jusqu’à devenir minuscule pour de Chaillé, qui évoque notre rapport à la réalité par une question d’échelle. Le burlesque de son spectacle exploite le décalage entre l’ambiance amusante du jeu d’équilibre et la gravité du propos.
Le festival Actoral, créé à Marseille en 2001, se réclame par la diversité des formes artistiques qu’il célèbre. Depuis 2014, une édition montréalaise biennale le complète outre-Atlantique pour marquer l’ouverture des frontières des artistes de la francophonie.
Io sonno Rocco, Tu iras la chercher et Chut à l’Usine C les 28 et 29 octobre.
Crédits photos : Els De Nilrhok (Io sonno Rocco), Andrés Donadio (Tu iras la chercher) et Fanny de Chaillé (Chut)
Texte révisé par: Wendie Sambour