Critique de son one man show La Ligne
© Jean LeJacques
Alexandre Douville en équilibre sur un fil de fer, l’image est loufoque et semble franchement improbable? C’est pourtant ce qu’a fait l’humoriste jeudi soir lors de son premier spectacle solo : un savant numéro d’une heure à marcher droit sur la ligne qui sépare le politiquement correct du préjudice.
Accoutré de ses plus belles chaînes pour l’occasion, Alexandre Douville était en forme sur la scène du Petit Olympia, baveux et riant beaucoup entre les numéros, ce qui tranchait avec son personnage pince sans rire des émissions En route vers mon premier gala.
Ne faisant pas dans la dentelle, l’humoriste plonge dans le malaise rapidement avec des anecdotes sur toutes les minorités culturelles de Montréal, les femmes, la drogue, la pornographie (expressions faciales en prime) et j’en passe. On atteint le point Goodwin en 20 minutes.
Il valide sa démarche avec le fait qu’il est, lui aussi, victime de préjugés. On associe son crâne rasé et sa barbichette aux néo-nazis, ses T-shirts de heavy métal donnent une bonne raison à la police de faire du profilage et son look intimidant ne plaît pas aux douaniers. L’humoriste, qui travaille notamment avec Jérémie Demay, Mike Ward et Patrick Groulx, sert des contre-exemples crus et inattendus, comme lier Adolf Hitler au féminisme… On rit jaune à certains endroits, mais plus souvent qu’autrement le public rit à gorge déployée.
L’abrupte fin saisit le spectateur. Alors que l’humoriste avait réussit à construire une montée efficace en allant toujours plus loin dans les tabous, le spectacle se termine sèchement, sur une imitation d’un gars qui avale un Subway sans mâcher et une joke de deep throat. Pas de conclusion, ni de pensée philosophique auxquelles il nous a habitués, pas de punch ahurissant. Bon. On est un peu perplexe, mais somme toute satisfaits de sa prestation. Par contre, la boucle mériterait d’être bouclée et on pourrait facilement en prendre pour un autre 15 minutes.
L’humour trash est difficile à faire. Plus souvent qu’autrement, il est associé à des propos gore ou un discours haineux (deux procédés convenus) et a de la difficulté à se renouveler. La différence avec d’autres polémistes de la même trempe, c’est que Douville ne pense pas foncièrement les propos qu’il décrit, il prend pour acquis que son public comprend le deuxième degré dans tous ses gags et il est drôle pour vrai. Amenés par des concepts philosophiques et des sophismes à deux cennes, ses propos durs sur les femmes, les arabes, les Québécois en général, déconstruisent en fait les stéréotypes et mettent en relief l’absurdité de la pensée misogyne, homophobe et raciste.
Avec son humour grinçant qui ne laisse personne indifférent, Alexandre Douville est un des humoristes de la relève les plus prometteurs. S’il ne remplit pas les salles avec son spectacle La Ligne, il pourra toutefois commencer une nouvelle carrière en commentant le hockey avec sa voix de cinéma Français ringard. Les défaites du CH seraient assurément plus drôles.