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Après, au Théâtre d’Aujourd’hui

Comprendre l’impensable

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©Centre du Théâtre d’Aujourd’hui

Par Marie-Claude Lessard

La pièce Après, présentée au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui du 23 février au 19 mars, accomplit ce que le théâtre fait de mieux : déstabiliser, provoquer et semer le doute. Fort des succès télévisuels Aveux et Apparences, le dramaturge Serge Boucher propose un texte puissant qui ne peut laisser quiconque indifférent.

Parfaitement heureux avec sa femme et ses enfants dans sa routine et sa grande maison avec piscine creusée, Patrick n’accepte absolument pas la décision de Marie-Christine de le quitter pour aller vivre avec son amie (de cœur?) Loulou. Dans un élan de colère et de délire, Patrick se venge en tuant ses deux jeunes jumeaux, Julien et Arthur. Malheureusement, il rate son suicide. Patrick, dorénavant confiné dans une chambre d’hôpital et en attente de son procès, tente de développer une relation avec Adèle, son infirmière principale déchirée entre ses obligations professionnelles et ses propres valeurs morales.

Impossible, bien évidemment, de ne pas dresser un parallèle avec l’affaire Guy Turcotte, une actualité qui bouleverse tant le public. L’inévitable association entre Patrick et Turcotte se dissipe seulement quelques minutes après le début de la pièce puisque le texte de Boucher va au-delà des enjeux politiques et médiatiques du drame. Il s’attarde plutôt sur des acteurs ayant travaillé dans l’ombre, dévoilant ainsi des questionnements nouveaux et tout aussi troublants. Le pardon est-il possible? Est-ce que le coupable peut réellement vivre après la tragédie? Est-ce que l’accusé a toujours droit à l’amitié? Peut-on condamner le geste et continuer d’aimer la personne?

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©Courtoisie

Direct et œuvre de fiction à part entière, le texte joue finement avec les minces différences de significations entre comprendre, accepter et pardonner, sans pour autant avoir recours à d’interminables détours et complaisances. Aucune réponse, que des questions. Cette absence de parti pris accentue et nuance la portée du message véhiculé.

La complexe relation entre Patrick et Adèle soulève des sentiments contradictoires qui plongent constamment les spectateurs dans un état conflictuel. Extrêmement bien développés et définis, les personnages deviennent rapidement attachants, spécialement Adèle. D’abord répulsive et dégoûtée par le geste de Patrick, elle exécute, avec raison, ses tâches froidement. Malgré la colère qui l’habite, elle ne cherche qu’à comprendre. Elle ne peut s’empêcher de se soucier des gens, son métier étant toute sa vie. Sans enfant et partenaire de vie, excepté sa perruche Kiki, elle refoule ses émotions. Par contre, Patrick, inexplicablement tendre et doux avec elle, la force à s’extérioriser et se découvrir. Patrick mérite-t-il l’affection d’Adèle? Adèle peut-elle se permettre d’avoir une attirance envers un homme qui a tué ses enfants? Un spectateur qui n’approuve point l’acte criminel de Patrick, mais qui éprouve à la fois une certaine compassion envers lui est-il un monstre?

L’ambiguïté et la perversité malsaine des rapports entre le patient et l’infirmière sont magistralement interprétées par les deux comédiens. La simplicité désarmante de Maude Guérin hypnotise et impressionne. Étienne Pilon s’engage avec intensité dans ce rôle hautement risqué. Parfaitement à l’aise dans cet audacieux huis clos, ils se livrent une sublime joute mémorable. Afin de ne pas saturer le drame mis à l’avant, René Richard Cyr propose une direction d’acteur et des symboles épurés qui ne surchargent jamais les lourds propos exposés. La décision de ne pas occuper tout l’espace scénique crée une efficace sensation d’étouffement. Les multiples fondus au noir et les sons de crépitements aigus et graves rehaussent également l’inconfort et le malaise qu’expérimente l’auditoire.

Enfin, Après est une pièce extrêmement importante qui nécessite un deuxième visionnement, question de voir si nos perceptions se modifieront.

Vous pouvez acheter des billets en ligne.