D’amour et d’espoir
Par : Marie-Hélène Amyot
C’est en ce beau samedi ensoleillé, au Théâtre Le Château, que Tiken Jah Fakoly s’est entretenu avec Mélanie Loisel, auteure du livre Ils ont vécu le siècle, devant un auditoire important, qui s’est fait un plaisir de lui poser des questions, à la fin de l’échange. Retour sur une conférence offerte par cet artiste engagé de la Côte d’Ivoire qui a abordé des thèmes tels que le rôle des émigrants africains établis à l’étranger, l’éducation et la scolarisation à mettre en valeur, le pouvoir de mobilisation de la société civile et l’indépendance présumée du continent.
Pertinent et très conscient des enjeux qui habitent l’Afrique, continent du futur pour le reggaeman, c’est plein d’espoir qu’il a livré un message clair : afin de mobiliser la population mondiale à améliorer le sort de l’Afrique, le mouvement doit être initié par les Africains eux-mêmes. « Personne ne viendra changer l’Afrique à notre place! » Selon lui, les Africains ayant quitté pour l’étranger se doivent de revenir et de partager leur savoir et leurs connaissances avec leur peuple afin d’en assurer son bien-être. Actuellement, les Africains encore au continent ont l’impression d’avoir été abandonnés au combat.
Pour Tiken Jah, la mise en valeur de l’éducation et la scolarisation font partie des solutions à envisager pour amener les générations futures à avoir un bel avenir, puisqu’il s’agit là d’une question importante à se poser : « Qu’est-ce qu’on fait pour les générations futures? » En guise de réponse, l’artiste participe à la construction d’écoles, au nombre de cinq actuellement, par l’entremise du projet Un concert Une école. C’est grâce à ces spectacles qu’il peut supporter son peuple et avec sa musique, sensibiliser les gens.
L’éducation et la scolarisation ne peuvent que favoriser le continent, mais le pouvoir de la mobilisation de la société civile est un outil de taille selon Tiken Jah. « Il faut tout faire pour changer le système en place, et on a besoin de tout le monde pour le faire. » Il rêve du jour où les pays occidentaux comme le Canada, les États-Unis et la France se mobiliseront et joueront franc jeu avec l’Afrique afin que chacun des partis tire le meilleur de cette collaboration. Pour lui, le pouvoir de la mise en commun est d’une importance capitale dans l’évolution du continent. Mais avant tout, il est d’avis que les gens doivent descendre dans les rues, manifester leur mécontement et affirmer leur désir de faire bouger les choses. L’auteur-compositeur-interprète est allé d’une belle analogie : « Il faut planter la graine de l’unité, l’arroser et s’en occuper pour que les enfants viennent cueillir les fruits de cet arbre un jour », propos qui furent accueillis par un tonnerre d’applaudissements.
En ce qui concerne l’indépendance de l’Afrique, le reggaeman ne mâche pas ses mots : « L’indépendance qu’on nous a donnée est une photocopie. Il faut obtenir la vraie copie! » Comme il le mentionne, le continent a toutes les richesses possibles et les atout nécessaires afin de se construire une identité propre à lui. Bien évidemment, Tiken Jah est aussi catégorique quant à la question du franc CFA. Il est en faveur de l’abolition de cette monnaie, car à son avis, l’Afrique doit avoir la sienne. Pour ce faire, il est conscient que les 54 pays doivent être en accord, ce qui nous ramène au pouvoir de la mobilisation.
Menacé de mort en 2002, exilé au Mali durant cinq ans, interdit de séjour au Sénégal de 2007 à 2010, Tiken Jah Fakoly est conscient du danger qu’il court en s’exprimant haut et fort, mais ce n’est pas ce qui l’arrêtera. Celui qui a comme modèles des hommes tels que Sankara et Mandela tient à poursuivre le combat que menait Bob Marley, la voix des sans voix comme il l’appelle. Très optimiste quant au futur de son Afrique chérie, Fakoly est patient : « Seule la lutte libère! », et c’est ce qu’il fait chaque jour de sa vie, lutter pour un avenir meilleur pour les siens. En parallèle, il compose, écrit et chante. Vous pourrez le constater par vous-mêmes puisqu’il sera en spectacle au Métropolis le 6 mai dans le cadre du 30e anniversaire du Festival International Nuits d’Afrique, au cours duquel il présentera des pièces de son dernier album, Racines.
Texte révisé par : Annie Simard