Les effluves du désir émanent de la forêt
Par : Sébastien Bouthillier
Dans la campagne québécoise des années 30, naît une jeune fille dont la mère décède en lui donnant la vie. Clara (Alice Moreault) sera élevée par son père (Étienne Pilon), mais elle ignore encore lire et compter à l’âge de 10 ans. Sauvageonne, elle imite plutôt les bruits d’animaux et se promène journellement dans la forêt où s’est retiré son père endeuillé.
Mademoiselle l’institutrice (Émilie Bibeau) insufflera à Clara la connaissance. Atteint d’un mal fatal, l’institutrice s’empresse de transmettre son savoir à Clara avant de s’éteindre, car elle mourra comme sa mère en lui transmettant son héritage. L’adolescente de 15 ans surprend un lieutenant anglais (François-Xavier Dufour) réfugié dans la forêt. Amoureuse de lui, elle trahira son père en retournant le voir pour cesser d’être une enfant.
Pierre-Yves Lemieux signe ce qu’il appelle une « transcréation théâtrale », plus qu’une adaptation, du roman d’Anne Hébert paru en 1995 (Aurélien, Clara, Mademoiselle et le Lieutenant anglais). Dans la langue ciselée de finesse de la romancière québécoise qui aurait eu 100 ans cette année, les personnages tourmentés recherchent un absolu qui dépasse le catholicisme de leur époque. Entre folie et mort, comment l’exprimeront-ils?
La violence de l’espace sauvage à occuper se manifeste à travers la nature dans le texte d’Hébert. Les métaphores et les références à la forêt, au temps et à la faune témoignent du tumulte des éléments autant que Clara réprime sa sexualité. La nature envahit la demeure, l’intrusion de ce qui se passe dehors vers l’intérieur semble imminente comme lorsque la pluie torrentielle risque d’inonder la maison. La peur attrape le désir.
La mise en scène de Luce Pelletier libère l’espace pour que la parole des personnages l’occupe. Les dialogues se faisant rares, chaque personnage devient le narrateur à vif de son parcours solitaire.
Clara, à l’Espace Go jusqu’au 1er octobre.
Crédit photo de l’image à la une: © Marie-Andrée Lemire
Texte révisé par : Annie Simard