La fin du rêve américain, la fin d’une tragédie
© Caroline Laberge
C‘est la fin d’une illusion, c’est la fin du rêve américain. La fatalité se déroule sous nos yeux et amène un sentiment d’impuissance de pouvoir l’enrayer. La tragédie enchaîne les personnages à leur misère. Rédigée en 1937, la pièce de John Steinbeck résonne encore dans le monde actuel par la pertinence de ses thèmes.
La trahison compromet l’amitié. L’amitié entre George et Lennie (Benoît McGinnis et Guillaume Cyr) exige-t-elle la compassion ou l’interdit-elle? Corpulent mais simple d’esprit, Lennie est le compagnon de George, qui exprime son aspiration à une meilleure existence avec lui plutôt que de s’épuiser seul à l’ouvrage. Sa présence l’éloigne de son rêve pourtant…
La ferme du redoutable Curley (Maxime Gaudette) est la dernière escale avant qu’ils concrétisent leur rêve de liberté, l’achat d’une terre de dix acres où Lennie caressera enfin des lapins. Posséder un terrain et s’enrichir en vendant les récoltes représente l’aboutissement de la réalisation personnelle en cette Amérique des années 30. Combien de fois George rêvassera à l’oreille de Lennie de l’avenir où ils s’imaginent propriétaires?
La traduction de Jean-Philippe Lehoux honore l’engagement de Steinbeck – lauréat du Pulitzer en 1940, puis du Nobel de littérature de 1962 – en faveur des classes ouvrières durant la Grande Dépression. La densité du texte restitue la brutalité de l’action et la pureté de l’ambition des personnages pour un monde meilleur.
La maladresse sape l’amour, celle des humains envers les bêtes comme envers ses semblables. Curley aspire à l’amour de sa femme et au respect des hommes, mais agit cruellement. Sa femme cherche la reconnaissance parmi les hommes qui se détournent d’elle. On abat même le chien par compassion, singulière prémonition d’un avenir tragique. Par leurs confidences, les neuf personnages dévoilent leur intimité, mais plongent dans la solitude.
Toutefois, un personnage singulier, isolé des autres, a pourtant saisi la fatalité qui les guette. Saurez-vous le déceler? Un classique du théâtre qui nous téléscope aujourd’hui par effet de miroir.
Des souris et des hommes, au théâtre Jean-Duceppe jusqu’au 1er décembre.
Texte révisé par : Marie-France Boisvert