Guylaine Tremblay est LA mère québécoise
© Caroline Laberge
Durant les 90 minutes de cette pièce en un seul acte, Guylaine Tremblay occupe tout l’espace comme une mère occupe le centre du monde aux yeux de son fils admiratif.
«Il faut qu’avec tout mon cœur je rende hommage à Nana et, à travers elle, à toutes les mères», révèle la comédienne dans le programme, qui s’avoue impressionnée «parce que c’est la mère de Michel Tremblay et que de grandes actrices l’ont incarnée avant», en faisant allusion à Rita Lafontaine et Louison Danis.
Nana, c’est la reine du foyer des années 50 sur le Plateau-Mont-Royal. Nous découvrons la ménagère de la rue Cartier à travers quelques tableaux qui révèlent une décennie qui s’écoule. La mère gronde son fils, elle se plaint de sa belle-sœur, se moque de son beau-frère, méprise sa nièce, se soucie de l’avenir de son fils sans profession et homosexuel, discute de la vraisemblance des romans qu’ils lisent, puis se révèle sincèrement devant l’imminence de la mort.
Henri Chassé incarne le fils, d’abord un garçon de 10 ans disputé par sa mère jusqu’au jeune homme de 20 ans qui réconforte une femme vieillissante, affaiblie par la maladie. La pièce présente «comment une mère attentive et aimante peut devenir le mentor de son fils», indique Michel Tremblay en déplorant que la langue française n’ait pas d’équivalent féminin pour ce mot.
C’est d’ailleurs lui qui, le premier, a imaginé des personnages s’exprimant au théâtre dans la langue populaire québécoise, le joual. Malgré le drame, le public rit grâce à un texte émaillé de caricatures, grossissant tellement certains traits de la personnalité de Nana qu’ils paraissent risibles, mais toujours authentiques.
Jouée partout dans le monde, la mère québécoise typique serait aussi une mère universelle. «Elles ont toutes donné à leur fils des leçons de vie sous couvert de récits comiques et, oui, parfois invraisemblables», précise l’auteur en énumérant l’origine des actrices qui ont jouée Nana: mexicaine, chinoise, noire et amérindienne notamment.
«À mon avis, il n’y a pas un auteur qui écrit aussi bien sur les femmes que Michel Tremblay. C’est bizarre à dire. Comment a-t-il pu cerner à ce point l’âme féminine?» demande Guylaine Tremblay.
C’est la deuxième pièce où Tremblay met directement en scène sa mère pour lui rendre hommage. Encore une fois, si vous permettez a été rédigée en 1998, trente ans après Les Belles-sœurs, qui a choqué à l’époque de sa création.
Au théâtre Jean-Duceppe jusqu’au 14 mai.
Crédit Photo: Caroline Laberge
Texte révisé par : Marie-Claude Lessard