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Entre hurlements et harmonies : ERRA et Architects en furie

La mélodie, le cri et tout ce qu’il y a entre

Crédit Photo : Architects

Par : Bruno Miguel Fernandes

Il peut exister, chez les non adeptes de métal, un certain stéréotype : celui d’un genre réduit à un concours d’agressivité et de bruit constant, dépourvu de mélodie ou de sensibilité. Même s’il est vrai que certains groupes et sous-genres collent à cette image, le Metalcore propose au contraire une expérience bien opposée.

Le style propose une succession de vagues sonores qui vous emmènent du chaos pur à la douceur la plus inattendue. Un style où la brutalité sait s’effacer pour laisser place à la mélodie, où la technique peut éblouir sans jamais perdre de vue l’émotion. On y trouve des passages d’une intensité viscérale, portés par des riffs tranchants et des rythmes puissants, mais aussi des moments de pure mélodie entraînante.

L’une de ses signatures les plus reconnaissables, c’est le mélange de voix : le scream, ce cri maîtrisé qui exprime la rage et le désir de vivre, ainsi que le clean, la voix claire qui apporte un relâchement et de l’émotion. Certains groupes confient ces deux registres à un seul chanteur alors que d’autres les partagent entre plusieurs membres, créant un dialogue constant entre puissance et sensibilité. Et un effet fascinant traverse la foule : lorsque riffs lourds et breakdowns s’abattent, tout le monde se contracte et se laisse emporter. Quand les refrains clairs et les envolées mélodiques reprennent, la tension se relâche, et la salle semble expirer ensemble. Cette alternance de puissance et d’apaisement crée un mouvement collectif à la fois physique et émotionnel. C’est cet équilibre, cette dynamique, qui me fait profondément vibrer!

Et vendredi soir, à la Place Bell, deux groupes que j’affectionne particulièrement incarnent et maîtrisent parfaitement cette philosophie : ERRA et Architects, réunis pour la tournée nord-américaine d’Architects suite au lancement de leur dernier album The Sky, the Earth & All Between. ERRA incarne l’essence brute du Metalcore, multipliant les variations à l’intérieur d’une même chanson. Les transitions se dessinent au fil des rythmes de batterie et de l’alternance voix claire et scream, créant un équilibre organique. Architects, plus mélodique et presque pop par moments, poussent les extrêmes encore plus loin : leurs refrains accrocheurs n’empêchent pas les passages abrasifs d’atteindre des sommets d’intensité.

En marche arrière vers le ciel

Le set d’ERRA a démarré avec Snowblood, solo de guitare épique suivi d’un drop qui a instantanément transformé la Place Bell en terrain de jeu. Jesse Cash, guitariste hors pair à la voix claire, précise et sublime, offrait des harmonies puissantes aux cris bruts et rageurs de J.T. Cavey. Cette dualité vocale donnait profondeur et équilibre aux morceaux. Derrière eux, Alex Ballew assurait une batterie complexe et inventive, ses drops et patterns originaux propulsant la transition entre douceur et déchaînement. Gore of Being, une de leurs plus récentes parutions, en était la preuve éclatante, avec ses sections tantôt saccadées, tantôt mitraillées, qui galvanisaient la foule.


Cavey débordait d’énergie, un plaisir contagieux reflété dans le moshpit. Les titres phares de l’album du dernier album, dont Pale Iris, Cure et Crawl Backwards Out of Heaven, faisaient headbanger la salle, amplifiés par des jeux de lumière percutants. Et quoi de mieux que de conclure avec Gungrave ? Une dernière déflagration laissant un réservoir d’adrénaline prêt à exploser pour Architects.

Prêt pour le coup de fouet

Prenons un moment pour souligner l’incroyable portée de la voix du chanteur d’Architects de Sam Carter. La précision et la beauté de ses passages clairs, appuyés par des paroles accrocheuses, donnaient à la foule l’impression de ressentir une véritable empathie pour le message transmis. C’est surtout dans sa capacité à faire glisser une phrase du chant limpide vers un scream viscéral que réside sa force : chaque montée devenait une escalade d’émotion, ajoutant une tension dramatique et une intensité supplémentaire à la performance, comme si chaque mot se chargeait peu à peu d’une colère ou d’une douleur prête à éclater. L’ouverture avec Elegy en est un parfait exemple : Carter a amorcé le morceau sur des lignes portées par une ambiance électro et planante avant que le morceau ne bascule dans un drop fracassant et un cri ravageur, lançant d’emblée le public dans la tempête.

Le propre du Metalcore, cette dynamique de contrastes que j’évoquais plus tôt, se retrouvait jusque dans la construction de leur setlist : une entrée fracassante avec Elegy et Whiplash, suivie d’une longue descente en douceur portée par Meteor et Everything Ends, avant d’exploser de nouveau avec Doomsday. Comme ERRA l’avait fait en ouverture, Architects a choisi de conclure le set principal sur Blackhole, qui offre un solo incroyable suivi d’un drop massif, une manière de quitter la scène sur un impact monumental avant le rappel.

Les classiques n’ont pas été oubliés : Impermanence, Black Lungs, Curse, Royal Beggars ont trouvé leur place, chaque titre déclenchant son lot de cris et de bras levés. Pour le rappel, le groupe a misé sur l’artillerie lourde avec Seeing Red et Animals, transformant le parterre en un immense moshpit collectif, véritable libération d’énergie partagée. Et encore une fois, les jeux de lumière, simples mais redoutablement efficaces, soutenaient les nuances d’intensité de chaque morceau. Des éclats blancs synchronisés aux breakdowns jusqu’aux teintes plus enveloppantes sur les refrains, tout contribuait à amplifier l’expérience sensorielle.

Pour ceux qui n’osent pas encore plonger dans le Metal, le Metalcore peut être une excellente porte d’entrée. Il suffit de se laisser surprendre par les moments mélodiques au milieu des passages les plus lourds. Les riffs puissants et les screams intenses alternent avec des refrains où l’on peut chanter en chœur avec le groupe. Avec des formations comme ERRA et Architects, qui maîtrisent parfaitement cet équilibre, c’est l’occasion idéale de découvrir un univers où brutalité et émotion coexistent en parfaite harmonie.

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