King Dave : Interjection lyrique
© Affiche du Festival International du Film Fantasia
Par : Ambre Sachet
Les portes du métro s’ouvrent sur une soirée d’appartement : le trajet et le dialogue commencent puis se terminent.
Alexandre Goyette, acteur et scénariste, écrivait en 2005 une pièce de théâtre à succès dont il est l’interprète. Onze ans plus tard, le Québécois revient en tête d’affiche de l’adaptation cinématographique de sa pièce du même nom, King Dave, dans laquelle il incarne David Morin, éternel adolescent. Le Festival International du Film Fantasia revient à Montréal pour une 20e édition, inaugurée le jeudi 14 juillet par la première mondiale de ce risque cinématographique signé Podz.
© Festival International de Film Fantasia
David, trentenaire sans diplôme, se retrouve un soir à voler des radios de voitures pour un gang de rue qu’il a rencontré en soirée. Jaloux lorsque sa blonde danse avec un autre, le jeune frondeur décide de retrouver l’inconnu par souci de fierté. S’ensuit une série d’événements à travers lesquels le jeune homme incapable de se battre s’expose à la violence dans sa plus simple banalité.
« J’aurais jamais pu faire de mal à une crisse de mouche… sauf si la mouche te pique! »
Le personnage de Dave reste profondément attachant malgré ses erreurs, ses délires et ses délits dont les principaux moteurs sont la vengeance et la peur. Il est l’archétype du gars bien intentionné qui tourne mal et finit dans l’engrenage de l’agressivité comme mécanisme de défense. Téméraire mais dénué d’ambition, Dave est en constante recherche d’un motif de survie qui comblerait une existence terne. La scène la plus marquante reste le huis clos qu’est cette chambre d’hôtel dans laquelle toutes ses pulsions sont régurgitées par la parole. L’ambiance devient lourde, le style incisif et trash lorsque la caméra suit les mouvements d’un Dave à la dérive.
© Festival International de Film Fantasia
Fracassant le quatrième mur, le protagoniste s’adresse directement au public dans un unique plan-séquence de 95 minutes. Audacieux projet récompensé par une performance époustouflante et de longue haleine, King Dave est un monologue perpétuel et théâtral à la Bronson (Nicolas Winding Refn). Inconscient conscient des plans foireux dans lesquels il atterrit, Dave commente lui-même ses mauvais choix et ses excès de colère. Ce double discours imbibé de l’accent québécois, de piques d’autodérision et d’une narration primitive relève de la prose tantôt gracieuse tantôt universelle. Un semblant de poésie s’introduit dans ce réalisme brut par le choix des titres électro-pop du duo montréalais Milk & Bone.
Vingt lieux de tournage ont été choisis pour satisfaire aux critères du plan-séquence pour lequel Daniel Grou (Podz) a dû faire appel à son imagination afin d’effacer toute trace d’ellipse. Il est impossible de ne pas saluer la démarche de Podz, qui à travers deux approches techniques atypiques – l’interjection et le plan-séquence – relève le défi cinématographique, celui de divertir et de déstabiliser son audience. De par la résonance de son antihéros, Podz rejoint la branche du cinéma que recherchait Truffaut, celui qui vibre…
Texte révisé par : Annie Simard