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Festival Metropolis Bleu : une édition de titans

Pour l’amour de la littérature

Simon Sebag Montefiore en conversation

Crédit photo : Blue Metropolis

Par Lucia Cassagnet

Au courant de la fin de semaine, à l’Hôtel10 au coin des rues Clark et Sherbrooke Ouest, des titans de la littérature se sont promenés à travers des panels, conversations et remises de prix dans le cadre du Festival littéraire international Metropolis Bleu.

Avec plus de 80 événements en quatre jours, la fin de semaine a été pour le moins dire chargée.

Parmi les invités d’honneur on retrouvait des auteurs de renom tels Salman Rushdie, Cristina Rivera Garza, Simon Sebag Montefiore, Nigaan Sinclair, Peter Wohlleben, Mateo Garcia Elizondo, et plus encore.

Le défi d’aborder des sujets complexes

La bonne littérature est considérée ainsi car elle nous fait réfléchir, elle nous amène une ouverture mentale et émotionnelle qui transforme l’évolution de la pensée.

En parlant de la Russie, cet endroit mystique pour tellement d’auteurs depuis des siècles, les auteurs Simon Sebag Montefiore, Mikhaïl Iossel et Rosemary Sullivan ont tenté d’aborder le sujet d’écrire sur le pays et tout ce qu’il représente aujourd’hui.

Pour Iossel, qui a quitté le pays depuis plusieurs décennies, écrire sur sa Russie natale « est l’essence même de » qui il est.

Celui dont le dernier roman, Love like water, love like fire était mis de l’avant durant le festival, a partagé qu’il se sent un peu comme le « conservateur de [sa] propre mémoire. »

Cette idée de mémoire, qu’elle soit d’un individu ou d’une nation entière, a été reprise par l’historien britannique Montefiore alors qu’il expliquait que « la Russie est une victime de sa propre histoire » lorsqu’on regarde la réputation qui la précède aujourd’hui.

Les mêmes notions ont été reprises lors d’un autre panel avec l’historien où le sujet de l’heure était la ville de Jérusalem.

Cette ville universelle, comme elle est décrite dans son livre Jérusalem : briographie, est tellement mystique qu’il existe un phénomène psychiatrique unique qui représente la descente dans la folie de ceux et celles qui se créent la ville dans leur imaginaire comme étant plus grande que le monde et qui sont déçus lorsqu’ils la visitent la première fois, devenant fous peu à peu.

L’écriture comme thérapie réparatrice

Cristina Rivera Garza au blue Metropolis 2025
Crédit photo : Blue Metropolis

Le prix Metropolis Azul est une des distinctions du festival. Il est octroyé chaque année à un auteur ou autrice dont l’oeuvre marque la langue espagnole.

L’honneur cette année revenait à l’auteure mexicaine Cristina Rivera Garza pour l’entièreté de son œuvre qui évolue depuis plus de 25 ans déjà.

Son avant-dernier roman, Liliana’s invincible summer raconte l’histoire de sa soeur qui a été victime d’un féminicide au Mexique en 1990.

À travers un processus de « désapprentissage » qu’elle excerce depuis trente ans, l’autrice est parvenue à écrire cette histoire « avec sa sœur » grâce à un travail de recherche profond dans la vie de cette dernière.

Des boîtes de souvenirs, des écritures de Liliana, des discussions avec des anciens amis et membres de la famille ont permis de la concrétiser dans toute ses dimensions et ainsi parvenir à passer à une autre étape dans le deuil de sa perte.

Durant plusieurs panels, accompagnée par des écrivains comme Rachel Eliza Griffith, Julia Libedensky et Rafael Osio Cabrices, son approche à l’écriture a été dévoilée peu à peu.

« Il n’y a pas de solitude dans l’écriture, » conclut la lauréate latinoaméricaine.

Le langage comme arme pour se défendre

Salman Rushdie signe un livre

Le récipiendaire du Prix Metropolis Bleu cette année était l’écrivain américano-britannique Salman Rushdie.

Lors d’une discussion entre l’auteur et Simon Sebag Montefiore, les deux titans de leurs genres littéraires respectifs discutaient sur la thématique de l’histoire, des rêves et de l’imagination.

En répondant à une question sur leurs premières fictions, posée lors de la discussion modérée par Ingrid Bejerman, directrice de la programmation en espagnol et portugais, Salman Rushdie répond candidement en avouant que ses « premières ébauches en fiction étaient les lettres qu’il envoyait à sa famille depuis son pensionnat en Angleterre » alors qu’il était misérable et leur disait que tout allait bien.

Décontracté, souriant et délivrant des blagues allègrement entre les réflexions littéraires, il était facile d’oublier qu’il s’agissait vraiment de ce titan de la littérature.

La présence constante d’un garde du corps ainsi que les lunettes dont l’œil droit est couvert par une lentille teintée nous rappelaient toutefois la chance d’être en sa présence aujourd’hui, et par défaut, les dangers de l’écriture.

Lors de la remise de prix, en conversation avec Eleanor Wachtel, les deux sont revenus sur l’incident en 2022 qui a failli lui couter la vie et dont fait l’objet son dernier mémoire Le couteau.

L’attaque n’a duré que 27 secondes, mais comme l’indique l’auteur, dépendamment de la répartition des forces « tu peux faire beaucoup de dommages en une demi-minute. »

Mais, lorsque questionné s’il n’a pas pensé à changer de carrière durant sa vie tumultueuse dû, justement à son écriture, il a répondu sans hésiter « je ferais quoi, sinon ? »

Forcé de s’engager dans une bataille d’armes blanches, Rushdie a amené son couteau à travers la seule arme qu’il connaît : le langage.

Un festival pour toutes et tous sur toutes et tous

Des sujets sur l’identité, le colonialisme, les traditions anciennes et la littérature autochtone ont été au centre de panels où la parole était partagée entre des auteurs comme Niigaan Sinclair, Liliana Ancalao et Stephen Graham Jones.

Pendant quatre jours, les festivaliers ont pu parler de mémoire, d’histoire, de fiction, de violence, de deuil, de réconciliation, de tellement de sujets qui finissent tous, souvent, par être interconnectés à différents niveaux.

Il faudrait 10 000 mots pour parler de tous les auteurs et autrices présentes et pour décrire correctement tous les panels, les ateliers, les conversations et les réflexions qui se sont déroulées dans le cadre du festival.

Je termine avec une citation d’Ingrid Bejerman qui décrit parfaitement ce qui rassemblait tous ceux présents cette fin de semaine : « ce qu’on veut, c’est raconter toutes ces histoires et qu’elles soient lues, finalement. »

Et les histoires racontées durant le festival ont toutes été lues et définitivement jusqu’à la dernière page.