Tryptique soufflé
Par : Jean-Claude Sabourin
La troupe du montréalais Éric Gauthier nous conviait à son Swan Lakes à la Place des Arts. Saut de puce dans sa ville d’origine après Toronto et autres destinations internationales. Rappelons que Gauthier Dance a été fondé en 2007 à Stuttgart en Allemagne par le susnommé et que le groupe est reconnu mondialement.
Le titre du spectacle peut confondre. Le ballet de Tchaïkovski vient spontanément en tête. Toutefois, avec des chorégraphes comme Marie Chouinard, Hofesh Shechter et Ohad Naharin, il ne faut pas trop s’attendre à des arabesques convenues et un argument victorien; et ce n’est pas à quoi nous avons eu droit.
Le chant du cygne de la québécoise qui a fait le tour du monde, ouvre le spectacle avec des mouvements léchés et voluptueux. Ceux-ci se transforment en une procession d’une grande technicalité, surtout au niveau des membres supérieurs, qui nous dépeint avec justesse une marche de créatures que l’on admire.
La force de la musique de Louis Dufort renforce l’aspect cérémoniel de ce défilé féminin qui se termine par une dénonciation juste de la situation des femmes. Néanmoins, celle-ci tombe un peu à plat puisqu’il faut traverser un important dispositif de sécurité pour se rendre à la salle, un dispositif composé de la gente masculine qui sont là pour protéger la troupe (sic).
À cet égard, il était un peu étrange d’assister un événement de liberté sous les regards d’agents de sécurité. De toute évidence, la nationalité israélienne de Ohad Naharin et de quelques danseurs justifiait la mise sur pied d’un cordon sécuritaire. Difficile de se prononcer là-dessus mis à part le côté surréel de l’affaire.
La seconde chorégraphie, Swan Cake de l’artiste allemand, faisait vibrer d’autres cordes, celles de la jubilation. Une histoire festive de la vie débordant d’une énergie contagieuse. Les mouvements empreints d’indépendance laissant émerger l’énergie primaire de chacun des danseurs et danseuses.
La bande sonore composée par le chorégraphe lui-même, rapportait à l’urbain et à l’espace, pleine d’une forme d’allégresse sérieuse. Le choix de la joie sans frivolité comme trame de fond de l’expérience humaine apparaît incroyablement judicieux et nécessaire dans l’époque que l’on traverse; même la mort y semble comme un moment de transformation paisible et riche.
Le spectacle se termine par MINUS 16 du chorégraphe Naharin. Il vient terminer la soirée d’éclatement comme un dernier grain de maïs qui jaillit de la casserole. Dans ce cas, l’éruption est multiple. Elle s’abreuve à l’humour et aux thèmes nationaux de l’artiste. Le ligne conductrice de la danse s’efface au profit d’une envie de partager beaucoup.
Je garde sous silence le moment surprise de Minus 16, qui n’en serait plus un si j’écrivais là-dessus. Gardez seulement en tête ceci : la communion est proche du partage.
Bref, une œuvre en trois temps bien différents, composant une soirée éclatée qui vous laissera plein d’une énergie nouvelle lorsque vous quitterez la salle. Les billets pour le spectacle sont disponibles à la Place des Arts.