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Gurshad Shaheman

Pour un mois ou pour un an 

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© Anne-Sophie Popon

Par : Sébastien Bouthillier

L’Iranien Gurshad Shaheman livre le récit intime de sa vie dans un spectacle-marathon de 4 heures 30 où il sert au public à souper.

Ce n’est pas une thérapie parce que Gurshad est libéré. Au lieu de nous asséner son spectacle comme une gifle, il propose qu’on lui fasse l’accolade. Cet artiste a dompté son passé pour livrer une sublime performance. Pourtant, il partage bien plus qu’un repas avec la soixantaine de convives en étalant le drame de son existence. De l’enfance à l’adolescence, puis à l’âge adulte, nous écoutons ses secrets extirpés de la guerre Iran-Irak ou des cabines de prostitution.

L’enfant redoutait son père : «Petit, il me faisait peur. Il était froid. Il ne me cajolait pas. Il était d’une pudeur excessive qu’il m’a transmise. C’était un ingénieur travaillant à la reconstruction des routes sur le front. Un jour, il m’a emmené au front pendant la guerre. Comme on emmène son enfant au bureau. Ce voyage a été un élément constructif de ma sensibilité, en tant qu’homme et en tant qu’artiste.»

La vieillesse et la maladie de son père inverseront les rôles, ce retournement constitue l’universalité du spectacle, selon l’artiste. En trois actes comme une tragédie, Touch Me, Taste Me et Trade Me : trois spectacles solos dictent aux spectateurs le programme de la soirée, le mode d’emploi de Gurshad pour que le récit continue.

En effet, le public touche Gurshad pour qu’il déroule son enfance dans le premier spectacle. Nous goûtons ensuite sa cuisine, héritée de sa mère, dont il assume lui-même le service dans la confidentialité de la petite salle Jean-Claude-Germain du Théâtre d’Aujourd’hui. Chaque convive peut enfin pénétrer dans sa chambre quand il témoigne de ses années de prostitution, mais aussi de ses sincères premiers amours.

Pourama pourama, le titre réfère à Patricia Kass, que Gurshad tentait de comprendre en même temps qu’il apprenait la langue à 12 ans, après son arrivée en France. La performance livrée par cet homme bouleverse, sa résilience édifie. L’exil d’Iran n’est peut-être qu’une antithèse illustrant le retour vers soi à travers les relations parentales et amoureuses où la passion de l’âme exulte par tous les pores de la peau.

Si Gurshad Shaheman est bouleversant, il enrobe délicatement son histoire dans un fin écrin d’humour pour en adoucir l’âpreté. Le spectacle commence sur les airs de Samantha Fox et se conclut avec Casta Diva, extrait du bel opéra Norma de Bellini.

Pourama pourama, jusqu’au 31 mai au Théâtre d’Aujourd’hui dans le cadre du Festival TransAmériques.

Texte révisé par : Johanne Mathieu