Trouver l’amour aux funérailles
© Caroline Laberge
Par Sébastien Bouthillier
Harold aime la mort. Maude, la vie. Il simule son décès. Elle célèbre l’existence. Il a 19 ans. Elle, près de 80. Tout les sépare, sauf les funérailles. Fasciné par ce rituel morbide, le terne et reclus Harold assiste souvent aux funérailles de gens qu’il ne connaît pas. Maude aussi, mais elle fait plutôt le plein de vie quand elle constate que le tour d’un autre que le sien est venu !
Hugo Bélanger pouvait mettre en scène un Harold et Maude glauque, sinistre, en accentuant la transgression du tabou : l’amour entre générations. Avec Michel Dumont, qui lui a prodigué un coup de main à l’adaptation du film des années 70 de Colin Higgins, il a opté pour une comédie satirique. En effet, il écorche le conservatisme.
À l’heure de l’amour pluriel, des directives médicales anticipées et de la mort dans la dignité, le chef-d’œuvre nous incite à célébrer la vie. Béatrice Picard joue un rôle sur mesure pour elle, qui devient un Maude rebelle et pimpante, à la recherche de la beauté et ignorant avec superbe les conventions sociales.
Si Maude voit la vie en couleurs, son compagnon ne capte la réalité qu’en noir et blanc. Sébastien René, en Harold, déborde pourtant d’imagination, mais il se garde bien de le manifester. Il dévoilera doucement ses sentiments pour Maude, auprès de qui sa personnalité se transforme à la faveur de l’amour romantique qu’il ressent pour elle.
Puisque Maude pourrait être sa grand-mère, voire son arrière-grand-mère, la mère de Harold désapprouve leur relation. Elle gère ainsi le profil de son fils sur les sites de rencontres afin de lui fixer des rendez-vous convenables… Quant à elle, l’octogénaire en a vu d’autres, elle éprouve plus de la sympathie qu’un désir charnel envers Harold.
La pièce a été adaptée aux technologies contemporaines. La large et profonde scène du théâtre Jean-Duceppe s’actualise à l’environnement numérique d’aujourd’hui. Si les personnages manipulent tablettes et cellulaires, le texte garde toute sa pertinence et incite à réfléchir sur la vie. Cette pièce couronne la saison chez Duceppe.
La vie et la jeunesse n’ont pas d’âge, comme si on aura 20 ans aussi longtemps qu’on vivra heureux et entouré de ceux qu’on apprécie le plus. Pour une comtesse déchue internée dans le camp de concentration d’Auschwitz, Maude a réussi sa vie.
Harold et Maude, chez Duceppe jusqu’au 13 mai.
Crédit photos : Caroline Laberge
Texte révisé par : Ho-Chi Tsui