Le retour d’un couple uni sur scène comme dans la vie
© Site officiel Jacques & Geneviève
Par : Christian Gaulin
Ils sont beaux, ils sont encore follement amoureux. Jacques Dion et Geneviève Garceau forment un couple sur scène comme dans la vie. Mariés depuis 38 ans, impossible de ne pas ressentir cette grande complicité et tout l’amour qui les unit. En 2004, l’accident de leur fils Jimmy a fait tout basculer. Ils ont choisi de mettre leur carrière de musiciens de côté afin de prioriser leur fils.
Quatorze années ont passé. Jimmy va beaucoup mieux. Premiers surpris, Jacques & Geneviève sont de retour sur les planches avec un nouveau spectacle et un nouvel album en poche, intitulés Nouveau départ! D’une très grande générosité, ils ont gentiment accepté de se confier à MatTv.ca sur leur retour sur scène et sur les épreuves desquelles ils sont sortis grandis.
Jacques et Geneviève, vous faites un retour à la chanson après une longue pause de 14 ans. Vous avez intitulé votre spectacle et votre album, lancé il y a 3 semaines à peine, Nouveau départ. Qu’est-ce qui a motivé ce nouveau départ à ce moment-ci dans votre vie?
Jacques : Geneviève et moi sommes des musiciens depuis toujours. Ça fait 38 ans que nous sommes mariés et nous avons fait de la musique et des tournées ensemble, à travers la province, pendant 25 ans. Nous avons eu un fils, Jimmy, qui, à l’âge de 16 ans, est devenu tétraplégique à la suite d’un accident de ski. Il ne pouvait plus se servir d’aucun de ses membres. Nous nous sommes retirés de la scène afin de nous occuper de lui. C’était notre priorité. Geneviève s’est occupée de notre fils à temps plein durant les 14 dernières années, afin de l’accompagner au quotidien, de lui donner les soins nécessaires, de le nourrir… Et elle est allée à l’école avec lui pour l’accompagner dans ses études secondaires, au cégep et à l’université et il est sorti de là avec un diplôme en poche en scénarisation et création littéraire. Jimmy, qui a maintenant 30 ans, vit en appartement depuis plus d’un an et il nous a encouragés fortement à reprendre la musique. Ces dernières années, j’étais devenu agent de spectacle. Je n’ai jamais quitté le milieu. J’ai recommencé à faire de la musique dans mon bureau, à composer.
Geneviève : Jimmy a vu son père qui composait et il lui a demandé pourquoi on ne retournait pas sur scène? C’est là que Jacques m’a dit qu’il désirait refaire de la musique, qu’il voulait vivre en faisant de la musique et mourir en faisant de la musique. J’ai été un week-end sans dormir… Moi, j’avais tout arrêté, je ne chantais plus. Et on n’a plus 20 ans… Dans quelle folie on s’embarque? Un moment donné, je lui ai dit oui pour lui faire plaisir. Mais, je me suis fait prendre au jeu du plaisir de chanter. C’est complètement revenu, le bonheur et le plaisir de chanter, d’être sur une scène. Alors on a décidé de foncer!
Aviez-vous perdu le goût de faire de la musique et de chanter?
Geneviève : Perdu le goût? Je ne sais pas. Mais je n’y pensais plus du tout, ça, c’est certain. Toutes nos énergies étaient mises sur notre fils, alors c’était derrière moi.
Jacques : J’ai joué un tour à Geneviève. Je n’ai jamais délaissé la musique. J’ai mes guitares dans mon bureau, j’ai mon studio et quand j’avais des mélodies en tête, je composais pour mon plaisir. Un moment donné, on en a discuté plus sérieusement et j’ai fait écouté à Geneviève des mélodies que j’avais composées et dans lesquelles j’avais glissé quelques mots dont Miss Money. Geneviève a aimé cette pièce et s’est sentie inspirée. Je lui ai proposé d’écrire le texte avec moi. Elle a accepté, l’engrenage s’est amorcé et elle a aimé ça. On a donc travaillé ensemble pour monter le spectacle et l’album, comme un vieux couple!
© Christian Gaulin/MatTv.ca
Est-ce que l’événement que vous avez vécu avec Jimmy a changé votre façon de faire de la musique et de voir la vie?
Geneviève : De voir la vie, oui! Car à travers cet événement, notre fils nous a prouvé que tout était possible. L’accident est arrivé en janvier. Jimmy était en secondaire 4. Il voulait terminer son secondaire en même temps que ses amis. Les médecins disaient que c’était impossible. Il ne respirait pas par lui-même, il ne mangeait pas par lui-même… et il a réussi à terminer son secondaire en même temps que sa gang. Puis il a fait son cégep, son université, il vit en appartement et il travaille. Il est toujours tétraplégique! Moi, ça a changé complètement ma perception des possibilités qu’on a. Il s’agit que le désir et la volonté qu’on a soient profonds.
Jacques : Il a déjoué tous les pronostiques. Il a été quelques mois malade avant que sa vie ne redevienne un peu plus « normale ». Il était sous respirateur, il prenait 22 barbituriques par jour pour lui enlever ses spasmes. Avec ses professeurs, on lui montrait ce qu’il voulait apprendre afin de passer ses examens, même si ces derniers et les directeurs disaient que c’était utopique de penser qu’il réussirait à terminer en même temps que son groupe. Et il l’a fait! Avant l’accident, quand je me levais, j’étais bougon, je chialais tout le temps avant d’être bien réveillé. Régulièrement, il fallait aller tourner notre fils dans son lit afin qu’il ne fasse pas de plaies de lit. Une nuit, vers 3 h du matin, je suis allé pour le tourner, car il était dans la même position depuis un long moment et en entrant dans sa chambre, je ne suis dit que si une mouche vient le piquer, il ne peut même pas bouger. Juste ça, moi, j’aurais été « en maudit »! Quand je suis entré, j’ai vu son grand sourire et il m’a dit : « Papa, je t’aime! ». Moi, c’est là que tout a changé. Le bougon en moi est pas mal moins présent. Je n’ai pas le droit de me plaindre quand je vois mon fils dans sa condition, avec son grand sourire…
Geneviève : Et ça a aussi changé notre perception quand on est sur la scène et quand on chante. À l’âge qu’on a, on ne fait pas de la musique pour devenir populaire. On le fait par passion, parce qu’on a un réel plaisir à faire de la musique tous les deux. Si les gens ont envie de venir nous voir, notre but ultime est de leur faire passer un bon moment et de transmettre notre plaisir qu’on a sur scène. On se fait plaisir à nous d’abord et avant tout. On ne fait pas de compromis. Ce qu’on offre au public, on le désire, Jacques et moi. Rien n’est que le choix que de Jacques ou que le mien. Tout se fait à deux, tout se choisit à deux. Personne ne nous impose rien. On privilégie cette grande liberté qu’on a.
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Jacques, on sait d’où te vient ton bagage musical, la musique ayant toujours été très présente chez la famille Dion. De ton côté Geneviève, à quel moment et comment est arrivée la musique dans ta vie?
Geneviève : Je suis issue d’une famille de 4 enfants et tout comme pour Jacques, la musique a toujours fait partie de ma vie. Dès l’âge de 5 ans, j’ai commencé à chanter dans une chorale qui était dirigée par ma mère. Et en vieillissant, j’ai continué à faire de la musique, par plaisir, en famille, avec des amis et depuis 38 ans avec Jacques.
Êtes-vous tous les deux auteurs-compositeurs?
Geneviève : Non, c’est vraiment Jacques qui écrit les textes et qui compose des musiques. C’est sa force, il a un grand talent.
Jacques : Geneviève s’est commise à quelques reprises pour écrire des textes et je sais que si elle avait une plus grande confiance en elle, elle pourrait le faire.
Travailler ensemble, c’est comment? C’est un avantage ou si ça comporte parfois certains inconvénients?
Geneviève : Bien honnêtement, pour nous, on a toujours vécu comme ça. On s’est mariés le 30 juin 1979 et depuis, on est ensemble 24 heures sur 24 dans tout ce qu’on fait. Pour nous, c’est facile d’être ensemble, de travailler ensemble.
Jacques : Vivre avec Geneviève, c’est du bonbon! Geneviève, c’est mon idole! Avoir une autre vie à vivre, je la choisirais encore et je n’y changerais rien. Elle est toujours souriante, positive, j’adore sa façon de penser et de voir la vie. Tout est simple et facile avec elle, tant dans notre vie de couple que dans notre vie professionnelle.
Geneviève : Jacques est un passionné, un gars qui a du tempérament et du caractère. Oui, parfois c’est dérangeant de se faire dire des choses de façon directe. Mais c’est quelqu’un qui ne ment pas, d’honnête, de droit. Moi, j’aime mieux quelqu’un qui a un tempérament fort à quelqu’un dont on a de la difficulté à savoir ce qu’il pense vraiment. Il me pousse toujours à aller plus loin que mes propres limites. Donc, pour nous, on y voit que des avantages.
L’album Nouveau départ est un album country très folk et très pop à la fois. Mais il est d’abord et avant tout très joyeux, souriant, positif. Est-ce qu’il vous ressemble?
Jacques : Oh, merci, c’est gentil! Oui, l’album nous ressemble entièrement. Il est à l’image de ce qu’on a été et de ce qu’on est devenus, car il y a un avant et un après les événements.
Geneviève : En général, nous avons toujours été des personnes positives, joyeuses et souriantes. On a toujours pris la vie du bon côté. Mais c’est incontournable, l’accident de Jimmy nous a transformés, nous a appris à apprécier davantage la vie, à croire encore plus fort en nos capacités et à devenir de meilleures personnes. Cet album, c’est le reflet de ce que nous sommes.
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Quelle est, selon vous, la plus grande qualité de l’autre?
Geneviève : Pour Jacques, c’est assurément sa franchise, son honnêteté. C’est quelqu’un de vrai.
Jacques : Je dirais de Geneviève que c’est sa facilité à s’adapter à toutes les situations. Peu importe la situation, grave ou non, elle ne baisse jamais les bras. Pour elle, il y a une solution à tout. Et elle est belle à regarder aussi. Peut-on classer ça dans les qualités?
Geneviève : T’es vraiment fin…
Le monde de la musique a beaucoup évolué au cours des dernières années avec le téléchargement, les nombreuses plateformes de musique qui sont disponibles et le piratage… Dans quoi trouvez-vous votre motivation pour continuer à faire de la musique?
Jacques : Avec l’âge et l’expérience que nous avons, on ne se met pas de pression. Nous avons convenu que tant que nous aurions le plaisir et la possibilité de chanter et de faire de la musique tous les deux, on le ferait. On veut que ça demeure du bonheur pur de faire notre métier. Aujourd’hui, faire un album est plutôt vu comme une carte de visite que de gagner ta vie en vendant des disques. Il y a 20 ans, tu pouvais faire des albums et en vivre, en faisant quelques spectacles et émissions de télévision. Maintenant, c’est l’inverse, on doit faire des spectacles et vendre des billets pour réussir à en vivre et heureusement, c’est ce qu’on aime, nous, faire des spectacles et être en contact direct avec les gens. Nous, comme on disait tantôt, on a une grande liberté et on fait notre métier par plaisir. Mais pour un jeune artiste qui débute dans le métier, la montagne est plus grosse à franchir et c’est beaucoup plus difficile qu’avant.
Geneviève : Mais le rêve et la détermination peuvent vous porter loin. Il faut d’abord y croire…
Jacques : Nous, on souhaite faire le plus de spectacles possible parce qu’on adore ça. Mais il ne faut pas penser que pour nous, tout est facile, qu’on fait des spectacles que pour notre plaisir, qu’on a de l’argent plein les poches… C’est faux pour ceux qui pensent qu’on est riches. Je suis le 7e d’une famille de 14 enfants et comme tout le monde, je dois travailler et gagner ma vie. On vit notre vie avec nos grands moments de bonheur, nos inquiétudes et nos problèmes. On n’est pas différents de tout le monde. Quand est arrivé l’accident de Jimmy, on s’est mis en faillite, Geneviève et moi. Tout notre argent, tous nos biens, tout ce qu’on avait de côté pour notre retraite a passé là-dedans pour qu’on puisse s’occuper de notre fils quotidiennement, car on ne pouvait plus travailler tous les deux. Nous sommes allés à l’étranger pour des soins pour Jimmy. Il nous a fallu repartir à zéro. Et ce qu’on sait le mieux faire, c’est de la musique. On ne pourrait pas arriver à vivre avec deux ou trois shows par année. C’est notre métier, on travaille fort… et tout ça dans le plaisir!
© Site officiel Jacques & Geneviève
Sur l’album Nouveau départ, quelle est pour chacun de vous votre chanson coup de cœur?
Geneviève : C’est difficile comme question, d’en choisir juste une… Mais il y en a une que j’affectionne plus particulièrement, qui a été composée par Jacques et elle s’intitule À pleine voix. C’est Jacques qui la chante et ça raconte l’histoire d’un musicien qui n’est plus là depuis plusieurs années et qui revient. J’aime la façon dont il l’interprète, j’aime la musicalité de la chanson.
Jacques : Pour moi, c’est la chanson titre de l’album et du spectacle, Nouveau départ, car c’est là que tout a recommencé pour nous. Quand on écoute les paroles de cette chanson, c’est quelqu’un qui revient d’un cheminement un peu plus difficile, qui regarde au loin et qui voit l’horizon et toutes les possibilités qui s’offrent à lui. J’adore toutes les chansons de l’album, mais celle-là vient me toucher un peu plus.
En terminant, qu’est-ce que vous vous souhaitez, à vous, à cet album et au spectacle?
Geneviève : De durer… De pouvoir continuer à faire ce métier-là et de durer dans le temps tout en se laissant porter par notre musique, notre album et notre spectacle. De se prouver que l’âge, que le temps n’existent pas. Que c’est la plus grande liberté de la musique, le temps n’existe pas…
Jacques : On a le bonheur de faire un métier qu’on adore, de travailler dans le plaisir, et ce n’est pas donné à tout le monde. On est privilégiés de faire ce qu’on aime. On se le souhaite pour encore longtemps!
Jacques & Geneviève seront en spectacle le 28 novembre au Gesù. Pour vous procurer des billets, cliquez ici. Ils seront par la suite en tournée un peu partout au Québec avec leur spectacle Nouveau départ! Pour connaître toutes les dates, consultez leur site Internet ou leur page Facebook.
Texte révisé par : Johanne Mathieu